« Ce qu’on appelle de nos jours la « droite » ne désigne généralement plus, en effet, que les partisans du libéralisme économique de Friedrich Hayek et de Milton Friedman », assure Jean-Claude Michea (Marianne, 2 mars 2013). Cette définition s’applique parfaitement à Yves de Kerdrel, directeur général de l’hebdomadaire Valeurs actuelles, chroniqueur au Figaro et membre du comité éthique du Medef. Sa philosophie brille par sa simplicité : tout ce que fait la gauche est mal et tout ce que fait la droite est bien. Un programme qui convient parfaitement au notaire de Carpentras et au rentier d’Hazebrouck – braves gens qui n’ont pas besoin de savoir que, sous le mandat de Nicolas Sarkozy, la dette publique a grimpé de 600 milliards tandis qu’on enregistrait un million de chômeurs supplémentaires.
Bien entendu, dans Valeurs actuelles, on évitera de s’appesantir sur les bonnes relations qu’entretenait l’ancien propriétaire Pierre Fabre (décédé le 20 juillet 2013), patron du groupe pharmaceutique qui portait son nom, avec François Hollande. Amitié qui amena le président de la République à inaugurer l’usine Pierre Fabre de dermo-cosmétique le 30 mai 2013, à Soual. A cette occasion, M. Hollande prononça cette phrase historique : « on peut gagner ; la France doit gagner. Ce que vous avez fait, nous allons le faire ». (Les Echos, 1 juin 2013).
Yves de Kerdrel joue donc dans la cour des journalistes libéraux – avec Dominique Seux (les Echos et France Inter), Nicolas Baverez (Le Monde) . Le libéralisme économique – comme son frère jumeau le libéralisme culturel – fait d’abord figure d’idéologie, laquelle ne correspond pas forcément à la réalité. D’où la nécessité de biaiser, voire d’arranger les choses pour que la démonstration tienne debout.
Dans sa chronique du Figaro, M. de Kerdrel pratique souvent cet exercice. Avec une préoccupation constante : défendre les intérêts du grand capital.
On le sait, le gouvernement envisage – timidement – l’adoption d’une réforme dont l’objectif serait de séparer les activités bancaires vitales pour l’économie de celles qui ne le sont pas. En clair, « les premières continueront à recevoir la garantie d’un sauvetage par l’Etat en cas de crise, tandis que les secondes seront placées dans une filiale soumise à des réglementations plus sévères et ne bénéficieront plus de la garantie publique« . (Alternatives économiques, mars 2013). Cela reviendrait à filialiser entre 0,5% et 1% des activités totales de la BNP-Paribas et de la Société Générale.
Réaction indignée d’Yves de Kerdrel : « De grâce, laissez vivre les banques françaises » (Le Figaro, février 2013). Puisque « cinq ans après le début de la crise financière, les banques ont retrouvé la confiance de leurs clients », il n y a pas lieu » de saboter (sic) cette activité essentielle pour notre économie et nécessaire pour la croissance qu’est la Banque », poursuit-il. Heureusement, la lecture des Echos (septembre 2013) permet de remettre les pendules à l’heure.
Et il y a matière à rassurer M. de Kerdrel : toutes les sociétés du CAC40 devraient verser des dividendes pour 2013. « Même Crédit agricole SA qui avait suspendu les versements ces deux dernières années. L’essentiel de la hausse attendue est portée par les banques dont les dividendes devraient nettement progresser », souligne Tom Mathesion, analyste chez Markit-Dividend. « Avec EADS, la Société Générale pourrait ainsi afficher la plus forte hausse de coupon par action », selon Factsat.
Plus fort que cela, pendant que M. de Kerdrel pleurnichait sur le triste sort fait aux banques par le gouvernement, les rémunérations de neuf dirigeants d’établissements bancaires pour 2012 étaient publiés. Jean-Laurent Bonnafé (BNP Paribas) , 2,870 millions d’euros, soit + 42,08% par rapport à 2011.
Frédéric Oudéa (Société Générale), 2,134 millions d’euros, soit + 30,42% par rapport à 2011.
Baudouin Prot (BNP Paribas), 1,716 million. Laurent Mignn (Natixis), 1,539 millon. François Pérol (BPCE) 1,117 million, Alain Fradin (Crédit Mutuel-CIC) 812530 euros, Michel Lucas (Crédit-mutuel CIC) 805 237 euros, Philippe Wahl (Banque Postale), 808 033 euros.
De cela, l’intéressé ne parlera ni dans Valeurs actuelles ni dans Le Figaro. Les lecteurs des journaux libéraux n’ont pas besoin de connaître ces misérables détails. Il leur suffit de savoir que « cette réforme est d’abord faite pour stigmatiser, pour punir, et pour limiter les marges de manœuvre de cette finance » que la nouvelle majorité « méprise » . (Le Figaro, 12 février 2013, dixit Yves de Kerdrel).
Le succès des ventes de Valeurs actuelles fait d’Yves de Kerdrel un journaliste dont on parle de plus en plus. Ce qui lui vaut d’être la vedette du magazine Bretons (février 2014) qui lui consacre sa Une. Nous apprenons donc que « la famille Kerdrel et la particule qui précède son nom existe depuis 1428. Des lignées de députés, maires ou vice-président du conseil général du Finistère ont rythmé la généalogie de cette dynastie installée sur les rives de l’Aber-Benoît, à vingt-cinq kilomètres au nord-ouest de Brest. »
M. de Kerdrel « est le fils d’un père né en 1928, qui parlait breton à la maison, et qui se faisait taper sur les doigts avec une règle quand il utilisait cette langue à l’école ». Mais évidemment, le journaliste a su s’adapter aux temps nouveaux : « Moi, je n’imagine pas qu’on puisse être Breton sans être Français ». Il sait donc refuser tout ce qui pourrait déplaire aux élites parisiennes : « j’ai reçu un courrier de lecteur qui parlait de BZH et d’une carte où la Bretagne était séparée de la France. Ce n’est pas mon style. »
Sur les personnalités faisant sans cesse référence à leurs origines régionales, Yves de Kerdrel continue : « je ne veux pas faire comme Vincent Bolloré : dire que je suis très Breton alors qu’il va à Saint-Tropez. Moi, maintenant, j’ai une maison en Corrèze et je l’assume. »
Yves de Kerdrel aurait pu ajouter que François Pinault possède également une villa à Saint-Tropez …et une autre à Dinard.
Erwan Guéric
2 réponses à “Yves de Kerdrel (Valeurs actuelles), l’ami des banquiers [tribune libre]”
Breton hier, Français aujourd’hui, peut tout aussi bien être Allemand, américain ou chinois demain. Traitre un jour traitre toujours.
Qu’est-ce que ce portrait au vitriol a de constructif ?
Doit-on déplorer chez ce Monsieur le refus de l’interventionnisme ?
N’est-il pas sain que les intervnetionneistes, nationaux, régionaux, locaux, interviennent plutôt ailleurs qu’ici ?
Ne souffrons-nous pas de ces indispensables inutiles ?
Pourquoi remonter à Hayek ?
On peut lire Von Mises, Rothbard, Ayn Rand sans être voué aux gémonies.