L’âme d’un bistrot s’incarne dans la figure de son patron. Au Montesquieu, Éric, ancien rugbyman reconverti dans une cuisine bonhomme se poste en pilier de l’établissement. Plutôt du genre taiseux, pourvu d’un regard malicieux, tout en analyse, il conduit avec promptitude un service directif, parfaitement réglé. La clientèle se place volontiers sous son contrôle, en proie malgré tout à ses variations d’humeurs. C’est peut être ça que l’on vient chercher au Montesquieu, une sympathique tyrannie oscillant entre l’attention portée au client et un rappel de l’autorité patronale autant que de besoin. Ce vieux restaurant de quartier offre une plongée dans une ambiance « mère à Titi » avec un ameublement un brin primitif, planté dans une décoration hétéroclite d’inspiration brocante.
Tout se passe dans l’assiette, Éric transmet sa vision généreuse d’une cuisine mitonnée au travers d’une carte malicieuse, dictée par les humeurs de l’ardoise. En prise directe avec le marché de Talensac, le Montesquieu butine les suggestions du jour au gré des étals. Certes, à mi service, les propositions se font plus aléatoires, mais n’est-il pas dans le charme du Bistrot que d’avoir une carte qui perd en pérennité ce qu’elle gagne en fraîcheur ?
Dans l’enfer des fourneaux officie Laurent, alsacien au métier aiguisé, vagabondant avec une aisance déconcertante sur tous les répertoires. Une fine lame peu encline à reproduire machinalement les grands classiques. Sous l’emprise de son imagination débordante le veau marengo, le bourguignon, la brandade de morue, les daubes, et plats en sauce de tout poil se réinterprètent au fil des opportunités du placard. Prince de la débrouille, ce chef très instinctif se montre aussi agile dans le « cinquième quartier » (tête de veau, rognons, tripes) que dans la cuisine asiatique. Avec un certain inattendu, le sauté de porc lié dans une sauce au miel soja en remontrait aux mangeoires représentant une cuisine cantonaise factice, noyée dans le glutamate.
Les magnifiques desserts ménagers du patron viennent clore un repas roboratif : fars, clafoutis, riz au lait et un mythique moelleux au chocolat dont les proportions de beurre restent inavouables.
Le vin s’aligne dans le sillage de cette cuisine du réchauffé (au sens de la cuisson lente !), une sélection plutôt sage et rustique qui ne déchoit pas en présence des « must » de la cuisine canaille. Au final, le Montesquieu retourne aux fondamentaux en portant avec une vraie exigence les ressorts d’une cuisine familiale simple et astucieuse, tellement réconfortante en ces temps de doute !
Raphno
Photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2014, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.