03/02/2014 – 14H00 Nantes (Breizh-info.com) – Pour se donner plus de liberté de manœuvre dans ses interventions économiques, la région des Pays de la Loire a créé en 2006 une société d’économie mixte (SEM) puis en 2009 une société publique régionale (SPR) dont le PDG n’est autre que Jacques Auxiette, président de la région. Elle en est « quasiment l’unique financeur et client », note la chambre régionale des comptes dans son récent rapport. Cela ne va pas sans un « risque parfois d’une certaine confusion entre les missions relevant des services de la région et celles de ces deux sociétés ». Et cela justifie que la chambre ait contrôlé les comptes de ces deux entités en même temps que ceux de la région.
Le résultat n’est pas triste. La région subventionne ces deux sociétés pour qu’elles distribuent des aides économiques. Or, écrit la chambre « au vu des caractéristiques des activités financées et des bénéficiaires des actions mises en œuvre grâce à ces subventions, la chambre considère qu’elles ne pouvaient pas l’être sur la base de l’article L. 1523-7 du CGCT » (c’est-à-dire l’article du code général des collectivités territoriales qui encadre cette pratique).
Les contrats de la SEM ne sont pas toujours bien bordés
Le cas de la SEM régionale des Pays de la Loire est le plus simple : depuis 2011, elle a renoncé à la plus grande partie de ses activités et son effectif est tombé à sept personnes. Il valait mieux : le rapport de la chambre régionale des comptes, qui porte sur les années 2006 à 2011, révèle un certain laxisme de la part de ce « prolongement opérationnel de la région », qui détient 84,36 % de son capital.
L’organisation de la SEM semble laborieuse. Le « bureau » qu’elle a créé en 2006 pour examiner les grands projets « n’est plus actif depuis 2010 » et la SEM s’est dotée en moins de sept ans de six organigrammes différents. « Des tensions au sein de la SEM et le malaise exprimé par certains salariés l’ont conduite à s’interroger sur son organisation », relève la chambre. Appelé à la rescousse, un cabinet de conseil a pointé diverses lacunes et présenté des propositions qui « n’ont pas été mises en œuvre ». La SEM, cependant, ne martyrise pas son personnel, composé à 69 % de cadres (dont 9 % de directeurs). Entre 2007 et 2010, les effectifs ont augmenté de 13 % et les frais de personnel de… 35 %.
Le droit européen oblige la SEM à respecter les principes des marchés publics. Elle a créé à cet effet une « commission d’appel d’offres ». Hélas, note la chambre, « cette préoccupation du respect des règles de la commande publique n’a, cependant, pas empêché la société d’y déroger à de multiples reprises ». La chambre a relevé plusieurs cas flagrants.
Le plus éloquent est un contrat de prestation de service passé avec la SCET, filiale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) – elle-même actionnaire de la SEM aux côtés de la région des Pays de la Loire. Une bonne partie consistait à fournir à la SEM un directeur général délégué, moyennant « un surcoût important pour la SEM » et dans des conditions semble-t-il délictueuses au regard de l’article L. 8241-1 du code du travail, qui réprime le prêt de main-d’œuvre hors cadre du travail temporaire. « Au total », conclut la chambre, « ce type de contrat ‘fait sur mesure’ pour la SCET, semblait être un moyen pour la SEM d’accorder une contrepartie à la CDC au fait qu’elle soit l’actionnaire de la SEM mais ne perçoive aucun dividende à ce titre ».
La chambre révèle aussi « plusieurs anomalies graves » ayant entaché un contrat d’assistance à maîtrise d’ouvrage passé pour le développement du logiciel Cyvel 2.0 – un échec cuisant : abandonné au bout de trois ans, le projet a coûté plus de 2,3 millions d’euros à la région. Plus anecdotique, un contrat a été confié à un cabinet de relations publiques anglais « en contradiction avec les dispositions de la loi n° 94-665 du 4 août 1994, dite loi Toubon, qui fait obligation d’utiliser la langue française dans la rédaction des contrats » !
L’efficacité incertaine de la SPR
La Société publique régionale des Pays de la Loire (SPR), devenue fin 2010 une société publique locale, a repris en 2011 une partie des activités de la SEM. De toutes façons, tout le dispositif est du type tuyau-de-poële : tout est dirigé par Jacques Auxiette et financé par les mêmes contribuables. Cette consanguinité favorise le développement des mêmes tares, par exemple pour la gestion du personnel, qui tient de l’armée mexicaine : pour 78 personnes, la SPR compte six directeurs et 69 % de cadres.
Ou encore pour les marchés publics. La SPR encourt, et pour cause, les mêmes critiques que la SEM à propos des contrats avec la SCET ou avec le cabinet de RP britannique Red Lemon. Divers contrats de conception et réalisation de stands pour des salons, de campagnes de promotion économique ou de formations présentent aussi des irrégularités.
Chargée de promouvoir l’innovation, la SPR participe à la constitution de plateformes régionales de l’innovation (PRI) soutenues financièrement par la région. Avec beaucoup d’empressement, « au risque parfois de mal évaluer la fiabilité de ses prospects, comme ce fut le cas pour un projet de PRI dédié aux LED, dont la société pivot est en redressement judiciaire ».
Quelle est l’efficacité de la SPR ? La chambre ne peut le dire : la SPR n’est soumise à aucune concurrence, ne facture pas ses services aux bénéficiaires, qui n’ont donc pas à exprimer leur degré de satisfaction, et « n’a pas mis en place d’outils ou d’indicateurs suffisamment précis pour permettre d’évaluer objectivement ses résultats ». Elle-même n’est probablement pas très convaincue de son efficacité puisque « la chambre a pu constater que nombre de documents internes ou externes font état d’interrogations sur le rôle et le positionnement de la SPR ». On le comprend puisque « la SPR n’a pas de stratégie propre, en dehors de celle fixée par la région », elle est « un prolongement des services de la région ».
Crédit photo Hôtel régional des Pays de la Loire, avec une œuvre de Morellet, [cc] Groume via http://www.flickr.com/photos/groume/7571308312/.
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