07/01/2014 – 06H00 Nantes (Breizh-info.com) – Franck Louvrier condamne Dieudonné ; aussitôt, Publicis dégringole en Bourse. Il serait cependant hasardeux d’attribuer la perte de valeur du groupe publicitaire, son employeur actuel, à l’ancien dircom de Sarkozy. La presse économique incrimine plutôt une déclaration de son actuel patron, Maurice Lévy.
Si les positions de Franck Louvrier n’ont probablement pas d’effet économique, leur signification politique n’est pas négligeable. Ce Nantais est un fidèle entre les fidèles de Nicolas Sarkozy depuis qu’il est devenu son chef de cabinet à la mairie de Neuilly en 1999. Il a été son chargé des relations avec la presse au ministère de l’Économie, au ministère de l’Intérieur et à la présidence de l’UMP, puis à l’Élysée, après le bref et contesté « porte-parolat » de David Martinon. Louvrier a toujours servi Sarkozy sans manifester ni état d’âme ni ambition personnelle.
Même sur le plan local, ses ambitions semblent modestes. Conseiller régional des Pays de la Loire depuis 2010, il a refusé de diriger la liste UMP aux municipales de 2014 à Nantes et compte devenir simple conseiller municipal à La Baule. Sa position en faveur de l’interdiction du spectacle de Dieudonné à Nantes n’obéit donc pas à une motivation politique locale.
Elle est pourtant loin d’être neutre. Elle n’est pas présentée d’abord comme une position anti-Dieudonné mais comme un soutien à Arno Klarsfeld, qui appelle à manifester à Nantes contre l’humoriste. « Cher Arno », écrit-il sur son blog, « ton appel à mobiliser me semble à la fois juste et salutaire ». Et il poursuit : « Toi et tes parents ont (sic) une incontestable légitimité à saisir l’opinion. » Sans aucun doute, ces mots ont été mûrement pesés.
Dieudonné n’est qu’un instrument, l’enjeu véritable est ailleurs
Car Franck Louvrier est plus que jamais un professionnel de la communication. Il dirige aujourd’hui Publicis Events, dont le slogan est « l’agence qui a quelque chose à dire », filiale « événementielle » du groupe Publicis. Son métier est d’organiser des manifestations dont la presse parlera. Réclamer l’interdiction d’un spectacle pourrait sembler pour le moins paradoxal et pas très confraternel. Mais l’objectif réel est ailleurs : c’est de mettre en valeur la manifestation convoquée par Arno Klarsfeld.
Pourquoi Arno Klarsfeld ? Sans doute parce que cet avocat mondain inscrit aux barreaux de Paris et de New York est le plus actif agent d’influence de Nicolas Sarkozy auprès de l’électorat juif. Lui-même a obtenu la nationalité israélienne et a fait un service militaire chez les gardes-frontière d’Israël.
Meilleurs voeux ou doigt d’honneur ? La carte de voeux vidéo de Franck Louvrier est tracée sur le sable de La Baule…
Avocat de l’association des Fils et filles de déportés juifs de France (FFDJF), il s’est mis en valeur notamment lors du procès Touvier. Depuis 2005, Sarkozy en a fait l’un de ses proches et une pièce majeure de son dispositif d’approche des publics communautaires. Il lui a confié d’importants dossiers à connotation « humaniste » (écologie, lois mémorielles, immigration…). Arno Klarsfeld a été dûment remercié de ses bons services : il a été nommé conseiller d’État au tour extérieur en 2010 et président de l’Office français de l’immigration et de l’intégration en 2011.
…du bout d’un majeur négligent !
Le soutien de Franck Louvrier à Arno Klarsfeld, alliance de deux proches de Nicolas Sarkozy qui se connaissent bien (ils se tutoient), a donc une portée politique qui dépasse de loin le personnage de Dieudonné. Déjà instrumentalisé par la gauche, ce dernier le serait aussi par la droite. La stratégie paraît transparente : elle vise à positionner Arno Klarsfeld comme l’adversaire numéro 1 de Dieudonné, rôle jusqu’à présent occupé par Manuel Valls et, au-delà, à disputer au ministre de l’Intérieur les faveurs d’un électorat juif dont Jérôme Fourquet, de l’IFOP, estime qu’il a fait défaut à Nicolas Sarkozy en 2012 après l’avoir massivement soutenu en 2007.
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