02/01/2014 – 06H00 Rennes (Breizh-info.com) – Avantage indiscutable des partis dits de gouvernement, on peut y progresser à l’ancienneté. Avec de la patience et une certaine dose de soumission, creuser son trou est possible. Ne pas jouer les mariolles, ne pas indisposer les puissants – « éléphants » au Parti socialiste – permet d’y arriver, c’est-à-dire de décrocher un mandat qui nourrit bien. Mais il faut attendre son tour. C’est ce qu’a su faire Isabelle Thomas (PS). Aujourd’hui tête de liste, pour les élections européennes de juin prochain, dans la circonscription Ouest (Bretagne, Pays-de-la-Loire, Poitou-Charentes), elle n’a jamais brillé par ses succès électoraux. Régulièrement battue à Saint-Malo, tant aux élections municipales que législatives, elle ses contentait du modeste mandat de conseiller régional – se faire élire sur une liste lorsqu’on se trouve en position éligible est plus aisé. Jusqu’à ce que survienne le miracle de 2012 : elle devient député européen grâce à l’entrée au gouvernement de Stéphane Le Foll qui la précédait sur la liste socialiste. Alleluia !
Le parcours d’Isabelle Thomas est celui d’une militante devenue apparatchik. Née le 26 novembre 1961 au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis), elle suit des études en droit des affaires. Elle est le prototype de cette « génération Mitterrand » venue de l’extrême gauche et recyclée au parti socialiste. Cofondateur de SOS-Racisme, membre de la direction nationale de l’AJS-OCI (trotskiste) et vice-président de l’Unef-id, elle a adhéré à la section de Bondy du Parti socialiste en 1983. Elle s’est fait connaître nationalement à l’occasion des grandes grèves étudiantes de novembre et décembre 1986, comme porte-parole « apolitique » de la coordination de Villetaneuse. Ayant été éliminée du bureau national (notamment pour avoir figuré à cette occasion comme une star dans Paris-Match et Elle), elle fut néanmoins présente lors de la signature des accords étudiants-ministère, ayant été imposée par le PS. Propulsée en 1987 au comité directeur du PS, elle en devint la benjamine. Elle a été chargée en 1988 de la jeunesse et de l’action féminine au sein de l’équipe de campagne de François Mitterrand. Sur les instructions du président de la République, cette ambitieuse « plante carnivore » (Thierry Pfister) a été parachutée aux élections législatives de juin 1988 dans la 12ème circonscription de Seine-Saint-Denis. Elle a été battue (47,8%) par le RPR Eric Raoult. Membre de la Nouvelle école socialiste (qui réunit les trotskistes du PS) et présidente de l’Institut pour l’égalité, elle devient en janvier 1989 membre du Conseil économique et social ainsi que chargée de mission à l’Elysée en mai 1989. Elle émargeait alors au budget du ministère des Affaires étrangères à 23 400 F. par mois comme « agent des affaires étrangères » (selon le Canard enchaîné, 03/10/1990).
La fiche que lui consacre l’Encyclopédie politique française s’arrête à juin 1992. Depuis, Isabelle Thomas a débarqué en Bretagne avec, pour mission, de conquérir Saint-Malo. Mais la greffe n’a pas pris et l’intéressée se contente de jouer au conseiller municipal d’opposition. Rôle modeste jusqu’à ce que les portes du Parlement européen s’ouvrent à elle…
La composition de la liste socialiste pour les européennes a montré que les bonnes vieilles méthodes demeuraient d’actualité. Parachutage hier, parachutage aujourd’hui. C’est ainsi que se voit placé en seconde position, derrière Isabelle Thomas, un certain Emmanuel Maurel, vice-président du conseil régional d’Ile-de-France. Mais surtout leader de l’aile gauche du parti. Manifestement il fallait lui trouver une place. Donc le mettre en position éligible sur la liste des européennes. Mais l’opération ne s’est pas effectuée en douceur. Dès l’annonce du débarquement de M. Maurel, la rébellion éclate dans les fédérations du Finistère et des Côtes-d’Armor. Dans la première, on a voté contre la liste présentée par la direction nationale à 83% car on n’a pas apprécié, outre le parachutage de M. Maurel, le fait que le candidat local, Marc Coatanea, ne figure qu’en sixième position. Les Costarmoricains ont aussi voté non. Mais les cinq mille votants de la circonscription (Bretagne, Pays-de-la-Loire et Poitou-Charentes) ont dit oui à 62%.
La fronde a démarré par un communiqué dans lequel dix parlementaires socialistes du Finistère ont annoncé qu’ils « refuseront d’adopter la proposition de liste ». Parmi les signataires figurent notamment les députés Jean-Jacques Urvoas, Gwenegan Bui et Patricia Adam, et les sénateurs François Marc et Maryvonne Blandin. Ces insurgés bretons dénoncent « une liste dépourvue de cohérence géographique ». La décision de confier la deuxième place à Emmanuel Maurel relève, selon eux, d’une « pratique éculée et contre-productive électoralement : celle du parachutage ».
Evidemment, les membres de la direction nationale affectent un certain mépris pour ceux qu’ils appellent leurs « bonnets rouges ». « On est dans l’irrationnel, les élus bretons sont dans un discours purement identitaire et régionaliste, alors qu’ils ont déjà obtenu la tête de liste [Isabelle Thomas] », se désole l’un d’eux (Le Monde, 22/11/2013). Mais c’est oublier que « le largage d’un éléphanteau hors sol creuse un peu plus le fossé entre le pays réel et ses élus. Emmanuel Maurel serait-il élu sur son nom alors qu’on ne le connait guère, ni à l’Aber-Wrac’h ni à Concarneau ?» (Dimanche Ouest-France, 24/11/2013).
Un bon point dans cet accident de parcours : les socialistes bretons ne semblent plus se comporter en petits toutous – obéissants et soumis – de la rue de Solferino. L’exemple allemand pourrait les inspirer : la CDU (démocrates-chrétiens) n’existe pas en Bavière ; la droite régionale y possède son propre parti, la CSU. Alliée de la formation d’Angela Merkel, mais pas inconditionnelle. On négocie… Et si les fédérations bretonnes du PS décidaient de franchir le Rubicon en créant le « Parti socialiste breton» ?
Photo : Parti socialiste/Flickr (cc)
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Une réponse à “Vers un « Parti socialiste breton » ?”
Réellement, qu’elle différence cela fait que le leader Socialiste sur la Bretagne soit un Français et non un Breton?
Les socialistes bretons (comme la droite) prennent leur « lettre de mission » à Paris.
Là au-moins, il n’y a pas de faux semblant!
Après plus de 10 ans de socialisme en Bretagne, un pouvoir pratiquement absolu, un gvt français socialiste avec 4 ministres (Le Branchu, Harmon, Le Drian, et Hayrault*), quel est le bilan???
Réunification? =c’est un gros mot!
Décentralisation du pouvoir? =comprendre Métropolisation et plus de pilotage du territoire par les préfets!
Signature de la charte sur les langues? = ce serait peut-fait, si cela apporte des voix, et encore, il n’est pas question de ratifier l’ensemble des clauses du document!
Economie? =métropolisation, surtout vers Rennes et Nantes avec un abandon du reste du territoire!
Energie? = L’avance bretonne sur les hydroliennes est devenu un retard, tout comme la méthanisation également en retard, mais on va construire des centrales au gaz pour écouler les achats français fait chez Poutine ou en Algérie!
Transport? = culte du TGV parisien, mais pour le RER Brest-Nantes et les voies expresses Nord-Sud, « netra »!
D’ailleurs, s’il y avait à construire un parti… pourquoi un Parti Socialiste Breton et non un Parti Social Démocrate Breton?
Les sociaux-démocrates sont la version réaliste du socialisme, et comme par hasard on les trouve surtout dans les pays européens les plus avancés socialement et économiquement!
Si c’est pour faire un « look like idéologique » du parti français, à quoi bon?
Mais parti socialiste breton ou social-démocrate breton, les militants et cadres bretons du Parti Socialiste Français n’ont aucune envergure pour cela! S’ils l’avaient, la Bretagne d’aujourd’hui serait bien différente de ce qu’elle est!
*Le Foll n’est breton que par son père, il n’a jamais vécu en Bretagne, et sa demie origine bretonne ne lui pas vraiment pas. (On n’est pas breton, parce que l’on porte un nom breton).