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Globale ou syllabique, quelle lecture pour nos enfants ?

25/12/2013 – 06H00 Paris (Breizh-info.com via Metamag) –La semaine (ndlr : le texte a été publié le 9 décembre) a été marquée par la consternante étude PISA 2012 sur notre système éducatif. La baisse en mathématiques a été particulièrement relevée mais aussi celle du niveau de lecture des petits français. A chaque fois, les tenants de la folie pédagogique fustigent l’absence de sérieux ou de biais scientifique des études de l’OCDE allant même jusqu’à parler de désinformation ou de manipulation. Les nouveaux pédagogues, très souvent des professeurs blasés, incapables de tenir une classe hors de la parole magistrale, vont pourtant bientôt devenir les piliers des IUFM (Instituts universitaires de formation des maîtres) rénovés qui deviennent désormais obligatoires sous le sigle pompeux d’Ecoles Supérieures du Professorat et de l’Education.
Au Ministère de l’Education nationale, on ne veut, en effet, plus voir une seule tête qui dépasse, tous dans le même moule consensuel psycho-pédagogique pour passer le concours d’enseignant. L’école par des programmes ineptes ne tient absolument pas à développer les talents dont l’enfant est porteur. Elle renonce maintenant jusqu’à transmettre les savoirs de base.
Significatif de cet état d’esprit éducatif opiomane, la méthode de lecture globale élaborée par Thomas Hopkins Gallauder en 1810 visait au départ à apprendre à lire aux sourds-muets ! La méthode était donc adaptée aux handicapés, à ceux qui n’entendent pas les sons mais  elle fut généralisée à tous les gamins des années 60 ! Résultat, des générations d’illettrés. Le pire c’est que très souvent, on nous précise qu’aucun enseignant n’enseigne vraiment la lecture de manière uniquement globale ou syllabique, et que c’est un faux débat puisque tout bon lecteur a forcément besoin de lecture globale et de lecture syllabique ?
Grosse malhonnêteté intellectuelle mais c’est que toucher aux méthodes surréalistes d’enseignement de la lecture en France, c’est soulever le lièvre, se faire insulter aussitôt d’intégriste, d’obscurantiste ou de nostalgique des méthodes d’enseignement d’avant-guerre. Le système de la méthode globale a pourtant été dénoncé depuis longtemps par des experts comme Liliane Lurçat, Danielle Sallenave, Jean-Paul Brighelli ou le médaillé Field de mathématique, Laurent Laforgue.
Il suffit d’écouter lire les enfants en sixième: les enfants ânonnent plus qu’ils ne lisent vraiment, inversant lettres et syllabes. Ensuite, l’institution les diagnostiquera de  »dyslexiques », ce que la majorité d’entre eux ne sont pas ! Ce système perdure en France parce que, là encore, comme pour le collège unique ou récemment les rythmes scolaires, le Ministère de l’Education nationale est celui qui pratique le moins l’autocritique. La méthode globale reste donc la base de l’apprentissage de la lecture en classe maternelle et pire, on souhaiterait que les parents n’apprennent plus à lire à leurs progénitures par crainte d’une inégalité scolaire sournoise qui pourrait se glisser dans le système. On fait alors pression pour obtenir la scolarisation au plus tôt des très jeunes enfants car c’est bien connu, plus c’est jeune, plus c’est malléable.Par Michel Lhomme

LA MÉTHODE GLOBALE, CETTE GALEUSE !

Célestin Freinet

Le Dr Decroly avait  constaté qu’une femme illettrée peut tenir parfaitement à jour son calendrier à feuilles mobiles. Il nous arrive à nous, de confondre accidentellement, à la lecture, mardi et mercredi. Elle ne les  confond point parce que mercredi n’a pas la même figure que mardi, pas plus qu’elle ne confond, même dans la pénombre, son propre fils et l’enfant du voisin. Au cours de ses recherches, le Dr Decroly s’aperçut de même que le processus habituel de la lecture, tel qu’il était pratiqué dans les syllabaires, n’était pas forcément le seul valable ni le plus efficient.

L’enfant peut reconnaître avec certitude toute une phrase sans en distinguer les éléments ; il peut lire sans b-a ba, quitte à apprendre le b-a ba ensuite. L’avantage de la découverte, c’était que, dorénavant l’enfant n’était plus condamné à ajuster désespérément les éléments muets et morts d’un puzzle auquel il ne saurait peut-être plus jamais insuffler la vie. Finis les « papa a puni toto… Nicolas a tiré le loto… ». Il n’y avait plus nécessairement divorce entre technique d’une part, sensibilité et intelligence d’autre part. La méthode globale avait pris naissance.
Les pédagogues de Genève ne pouvaient pas rester indifférents à cette découverte. Ils expérimentèrent à leur tour et confirmèrent les découvertes de Decroly. Le résultat en fut que la méthode globale devint officielle dans les écoles de Genève. Mais la scolastique qui pervertit toutes choses ne se tenait pas pour battue. Elle allait repartir à l’assaut de la vie qui, un instant, avait entr’ouvert les portes de l’Ecole et suscité elle-même les aménagements et perversions qui allaient battre en brèche ces nouveautés.
Le processus global d’acquisition ne joue évidemment que si sont sauvegardées les conditions mêmes de la vie. L’enfant reconnaît globalement sa maman parce que des contacts affectifs multiples et subtils et indélébiles ont été établis au cours de sa première enfance. Mais il confondra les infirmières qui, dans la pénombre de la crèche, s’occupent de lui plus ou moins mécaniquement. Il aura entendu les pantoufles glisser sur le parquet, il aura vu les trois boutons briller au corsage et une mèche de cheveux s’ébouriffer autour de l’oreille, mais ces éléments pourtant acquis par la vision, le toucher ou l’audition, ne sont pas suffisants pour une identification immédiate et certaine. Ils ne sont pas inscrits d’une façon vivante dans le processus affectif des individus. Ce sont comme des éléments d’une pile, riches en puissance peut-être, mais qu’on n’est pas parvenu à raccorder et à assembler pour éclairer une lampe ou activer un mécanisme.
Le processus de globalisation se trouve de ce fait en défaut. On a bien essayé de poser le squelette de la maison. Mais on a négligé d’en assurer les piliers et tout l’édifice est branlant. On pourra regretter alors, avec juste raison, de n’avoir pas monté les murs pierre à pierre, méthodiquement. C’est l’aventure qui a suscité la réaction actuelle, partiellement justifiée, contre la méthode globale.
Le Dr Decroly avait montré, par ses observations et expériences, que l’enfant est capable d’appréhender le mot et la phrase avant d’en distinguer les éléments constitutifs, mais à condition bien sûr que cette phrase soit insérée intimement dans le contexte de vie des individus.
Quand une école écrit au tableau et imprime : « Avec une pile et une ampoule, Mimile nous fait de la lumière », les mots sont intégrés naturellement, sans passe-passe scolastique, dans une pensée et un événement vécus. Ils s’inscrivent, de ce fait, naturellement, et avec un maxi?mum de sûreté, dans le complexe d’acquisition et de vie. La maison est bien posée d’un bloc et solide sur des piliers assurés par de profondes fondations. On pourra sans danger monter les murs intermédiaires. L’Ecole a pris dans la méthode globale, la mécanique, mais elle a oublié la vie.
Si l’enfant ouvre son manuel et lit cette phrase pourtant apparemment active :«  Toto est content, son papa l’emmène à la pêche », il essaie de bien photographier l’ensemble mais il ne reconnaît rien parce qu’il n’est pas allé à la pêche. D’ailleurs, l’Ecole sentant justement la faiblesse de cette  méthode hybride, a prévu une illustration qui est là pour apporter un ersatz de vie. Ce n’est, hélas ! qu’un ersatz. On a jeté des fondations mais on a oublié d’y couler le mortier. Il manque à notre texte la chaleur de l’événement qui aurait inséré normalement la phrase dans une expérience individuelle ou collective. Les piles ont été raccordées par un cordon mauvais conducteur, et rien ne s’éclaire de ce qui justifierait le processus de globalisation.
L’éclairage manque ; la mécanique est en défaut. Les images restent floues et l’individu ne les reconnaît pas au passage. C’est ce qui est arrivé à Genève, comme à Bruxelles d’ailleurs. On y a édité des manuels de lecture globale. On a prévu des textes illustrés que l’enfant doit lire globalement. Mais on a vite senti la nécessité d’aider prématurément ce processus naturel par un recours à la lecture analytique. Et sont nées ainsi, en Suisse et ailleurs, des méthodes mixtes qui ne sont qu’un amalgame sans vertu. Dans un mouvement de mauvaise humeur, une administration qui a trahi l’esprit de Genève a condamné et interdit ta lecture globale.L’événement a évidemment fait scandale et autorité. Il est facile  aujourd’hui, de partir en guerre contre une méthode que la scolastique a détériorée et pervertie. Essayons donc de faire le point.
Les principes de la méthode globale, non seulement en lecture mais pour toutes les disciplines, tels que les a établis le Dr Decroly et que nous venons d’examiner, sont indéniables. On en contestera l’application en éducation. Il est exact que l’emploi  scolastique de la méthode globale n’est pas sans risques ni inconvénients.
1° ON MET AU COMPTE DE LA LECTURE GLOBALE AINSI SCOLASTISEE LE FAIT QUE LES ENFANTS ECRIVENT MOINS BIEN QU’AUTREFOIS.
Les lettres sont moins bien formées, les fondements techniques mal assurés, les liaisons négligées. Alors qu’autrefois, au temps des exercices méthodiques de calligraphie, l’écriture était généralement, c’est exact, plus moulée et plus soignée. Les causes de cette désaffection de l’écriture sont multiples. Mais nous apportons du moins la preuve que les enfants qui ont appris à lire et à écrire avec notre méthode globale naturelle, sans passer par aucun stade analytique, ont une belle écriture courante dont nous donnons quelques spécimens La responsabilité de la vraie méthode globale ne saurait être mise en cause.
2° LES ENFANTS D’AUJOURD’HUI LISENT MOINS BIEN ET AVEC BEAUCOUP MOINS DE RECTITUDE QUE CEUX QUI ONT ETE FORMES A LA DURE DISCIPLINE DE LA VIEILLE ECOLE.
Et c’est malheureusement souvent exact. Les enfants soumis aux méthodes hybrides dont nous avons déjà dit le danger ont souvent une lecture exagérément globale. Ils se contentent de deviner l’ensemble et fabriquent des mots en fonction de cet ensemble, sans un suffisant recours à la contexture des mots. Cela est exact mais là encore, le principe de la lecture globale ne saurait être incriminé puisque la presque totalité de ces enfants en France du moins ont appris par une méthode mixte et que seules nos quelques milliers d’écoles ont poursuivi la seule expérience vraiment valable. Il ne fait pas de doute que le fonctionnement défectueux du processus de lecture globale contribue à la faiblesse constatée en lecture.
Quand il lit ainsi globalement, l’enfant s’essaye à reconstituer un texte dont la rigueur ou même la simple signification lui sont indifférents. Il lit : « Toto est content. Son papa va à la pêche ». Il traduira aussi bien : « Son papa va à la campagne » ou « Son papa va aux champignons », selon son humeur. Il traduit la pensée du livre sans aucun scrupule puisque aussi bien la lecture n’est pas pour lui, prise de conscience d’un fait ou d’un état d’âme, mais exercice gratuit.
Mais si le texte écrit au tableau et imprimé dit :
«Avec une pile et une ampoule, Mimi nous fait de la lumière », l’enfant ne pourra pas interpréter : «  Avec une pile et une poule » parce qu’il se rendrait compte aussitôt, sans le secours du maître, qu’il dit là une sottise, et il s’appliquerait à rectifier.
La méthode globale bien comprise est exigeante dans la fidélité de la traduction. C’est la méthode scolastique, qu’elle soit analytique ou mixte, qui, parce qu’elle est mécanique et non obligatoirement liée au sens, s’accommode fort bien de ce relâchement. Mais si cette tare est le fait de toute méthode scolastique qui dissocie technique et signification, comment se fait-il que les méthodes d’autrefois n’aient pas eu les mêmes travers ?
Ce qui est aussi incontestable. Il faut, à notre avis, incriminer ici non seulement la méthode scolaire, mais aussi l’évolution et la détérioration du milieu.
3° TOUTE NOTRE VIE CONTEMPORAINE EST AXEE SUR LE GLOBALISME SANS CONTREPARTIE DE CONSOLIDATION ANALYTIQUE.
Elle pose les édifices mais néglige couramment les piliers.
L’enfant qui passe aujourd’hui dans la rue est sollicité en permanence par des inscriptions et des affiches qui lui sont indifférentes et qu’il lit globalement, sans se soucier de l’interprétation plus ou moins juste, des signes qu’il enregistre. D’où des erreurs de lecture surprenantes, et qui s’inscrivent parfois d’une façon tenace dans l’esprit des enfants. Il faut ajouter aux conditions anormales de cette globalisation, l’effet de la vitesse, cet élément majeur de notre civilisation mécanicienne.
Nous nous arrêtions autrefois au bord de la route pour lire attentivement les instructions sur les bornes ou les monuments. On défile aujourd’hui en train ou en auto. Il faut, bon gré mal gré, bien ou mal, voir en un clin d’œil, sans possibilité de s’arrêter ou de revenir en arrière pour rectifier une mémoire défaillante. On intervertit des mots, on échange des consonances qui bousculent le sens et habituent les enfants à un à peu près contre lequel il nous sera parfois difficile de réagir.
Mais il y a plus grave. Avez-vous vu votre enfant lire son journal illustré ? Il regarde l’image et réagit d’abord à l’image seule, donnant parfois lui-même le texte possible du drame que ces images suscitent en lui.
Ensuite, mais ensuite seulement, il jette un coup d’œil sur le texte. Il ne s’agit pas de le lire syllabe à syllabe ou mot à mot, ni même globalement. Il n’en a d’ailleurs ni le temps ni le désir. A quoi lui servirait cet effort ? Il promène son œil distrait sur un texte si compact qu’il est d’ailleurs souvent illisible. Et sur la base de cette vision rapide, il reconstitue le texte à sa convenance. Il intervertit ou déforme à sa fantaisie les groupes de mots, change les phrases, en extropie d’autres. Et finalement ce qu’il lit comprend n’a plus aucun rapport avec le texte véritable.
C’est malheureusement ce mode de lecture qui risque d’imposer sa prépondérance parce que l’enfant y passe beaucoup plus de temps qu’aux exercices scolaires et qu’il s’y donne avec beaucoup plus de passion, ce qui est évidemment une cause majeure d’influence sur le processus général de lecture.
 C’est contre ce mal à dénoncer et à contrebattre que nous nous évertuons.
 Quand nous mettons au point notre texte libre, quand l’enfant lit ce texte au tableau ou sur l’imprimé, l’auditoire proteste dès que l’original  est  quelque peu déformé. L’élève doit faire nécessairement effort pour  combiner une vision fidèle du détail avec la compréhension synthétique de l’ensemble, ce qui est le processus général de la lecture.
 Ce processus normal, ce n’est ni Decroly ni nous qui l’avons inventé. Nous l’avons introduit à l’Ecole. De tous temps l’enfant a éprouvé le besoin de soutenir la lecture analytique, syllabe par syllabe et mot à mot par un mécanisme global sans lequel toute lecture serait impossible.
 L’enfant qui a appris à lire exclusivement selon la méthode syllabique et l’adulte qui est resté de ce fait comme illettré, lisent en épelant :
« To-to-est-con-tent-son-pa-pa ».
Il reconnaît les mots et les signes. Il ne lit pas, il déchiffre. Il n’essaie pas de comprendre puisque aussi bien une phrase ainsi débitée en syllabes et en sons ne saurait avoir de signification, Et cela explique les réactions du demi-illettré qui lit son journal :
– Qu’y a-t-il de neuf ? lui demande-t-on.
– Je ne sais pas… Je lis !
Les deux démarches sont chez lui radicalement séparées reconnaissance des mots, compréhension du texte. L’homme ne sait pas lire.
 Tous les enfants qui ont dépassé ce stade, ou qui ne s’y sont jamais arrêtés, lisent selon un processus qui est une combinaison plus ou moins astucieuse du déchiffrage et de la compréhension globale. Ce processus a d’ailleurs été étudié et mesuré scientifiquement.
 L’enfant fixe un mot pour en reconnaître la structure. Mais ce mot n’a évidemment de sens que dans le contexte. Et c’est ce contexte que l’enfant interroge. L’œil part en reconnaissance, en avant du mot déchiffré. Il va parfois même jusqu’à la ligne suivante, revient en arrière, repart en avant. Le lecteur est en exploration. Il ne lira le mot que si le contexte est rétabli. Jusque là, l’enfant hésite, bégaie. S’il passe outre ou si vous le pressez, il traduira le mot au hasard, avec de graves risques d’erreurs, dont il a d’ailleurs conscience.
 C’est parce que cet effort global est indispensable à la lecture que l’enfant et l’adulte aussi lit plus facilement un texte qu’il comprend, alors qu’il hésitera, avec peut-être les mêmes mots si le texte est pour lui obscur. Et vous vous mettez parfois en colère : « Mais tu as déjà lu ce mot ci-dessus… ». Mais le mot n’était pas dans le même contexte et n’avait pas de ce fait la même figure sensible.
 Cela explique aussi que plus l’enfant est intelligent, plus il a d’expérience, plus il comprend vite et mieux il lit.
 Ces constatations, nous le répétons, sont classiques et bien antérieures aux observations de Decroly ou aux nôtres. On avait tout simplement négligé d’en tenir compte dans l’apprentissage scolaire.
Il ne faudrait donc pas dire : « Sus à la méthode globale !» qui est celle de partout et de tous les temps, mais « Sus à la méthode globale scolastique» ; « Sus à toutes les méthodes scolastiques» qui, en dissociant les phénomènes naturels de lecture, compromettent, aidés en cela par l’invasion fulgurante des techniques contemporaines, un apprentissage de la lecture sûr, rapide et correct.
 
4° LES ENFANTS D’AUJOURD’HUI ONT UNE ORTHOGRAPHE BEAUCOUP PLUS DEFECTUEUSE QUE LES ENFANTS D’IL Y A TRENTE OU QUARANTE ANS ET LES ADULTES AUSSI DIRIONS-NOUS
Cela est aussi incontestable. Nous nous trouvons dans nos classes devant une grosse majorité d’enfants qui font une faute à chaque mot : fautes d’accord, mais surtout fautes d’inattention. C’est, dit-on, parce qu’on ne leur a pas enseigné ou imposé de se surveiller et qu’ils écrivent comme si cette orthographe n’avait aucune importance. Abandonnez la globale, nous dit-on, et revenez aux vieilles méthodes d’autorité d’autrefois qui du moins enseignaient l’orthographe. Voire ! Ce défaut incontestable, avons-nous dit, est le corollaire de l’erreur d’apprentissage que nous avons dénoncée. L’enfant voit défiler les mots à une allure qui ne lui permet pas la reconnaissance minutieuse de leur forme vraie et de leur structure. Et comme il lit au hasard de son imagination, il écrit au hasard de sa plume sans que la forme et l’orthographe puissent être un tant soit peu liées à son propre comportement. C’est le contraire qui serait étonnant.
Il ne servira à rien, ou à pas grand chose, d’en revenir à une méthode autoritaire qui ne rétablira point les circuits intimes détruits ou faussés. Il nous faut donner un sens affectif et humain aux textes lus et écrits. Alors ces circuits se rétabliront lentement, sauf s’ils sont irrémédiablement bloqués.
C’est cette revivification que nous réalisons par le texte libre. Mais nous faisons plus encore. Le texte libre pose la construction globale, déjà solidement maintenue par les piliers affectifs et sociaux. Par la chasse aux mots, par la grammaire vivante, nous allons monter pierre à pierre et méthodiquement les murs intercalaires.
Ce texte vivant qui est maintenant au tableau dans sa forme définitive, nous allons le composer et l’imprimer. C’est-à-dire que nous en reconstruisons lettre à lettre et mot à mot la structure technique. Et cette reconstruction n’est ni arbitraire ni gratuite. Elle est motivée. Elle est indispensable dans sa perfection à la vie du texte. L’imprimerie ne souffre pas d’erreur. Les fautes commises doivent être corrigées. Ainsi, face à la perversion née, moins de l’Ecole, nous l’avons dit, que d’un milieu qui ne connaît plus en fait de lecture et d’écriture, le noble travail minutieux de l’artisan, nous recréons les circuits de technique et de vie indispensables. Les cures réussies nous prouvent que sont valables et nos pratiques correctives et les explications théoriques que nous en donnons.
5° IL EST DE MODE DE METTRE SUR LE COMPTE DES METHODES GLOBALES LES TARES DE DYSLEXIE que les psychologues et les pédagogues considèrent aujourd’hui comme une maladie nouvelle dont ils cherchent en vain le virus.
Il y a dyslexie lorsque sous l’effet de troubles dont on ignore l’origine, l’enfant commet dans son écriture des anomalies inexplicables et tenaces. Les exemples les plus courants en sont les inversions de lettres dans certains mots, inversions qui font croire à des dérangements congénitaux ou acquis dans le processus de vision ou d’interprétation intellectuelle. L’enfant écrit CRA pour CAR, BARS pour BRAS et inversement.
 L’impuissance des éducateurs à réduire cette tare chez les individus qui en sont atteints, a longtemps fait croire à quelque déficience profonde nécessitant un traitement spécial. Le fait que cette tare devienne plus fréquente ne signifie certes pas que le travail des instituteurs soit moins consciencieux que naguère. Cette aggravation va de pair au contraire avec la détérioration dont nous avons parlé dans les processus vitaux des enfants.
Notre expérience et nos réussites nous confirment dans cette opinion.
Nous constatons en effet que le même enfant qui écrira avec entêtement CRA pour CAR, BARS pour BRAS, ne com?mettra jamais cette erreur en parlant. Que penseriez-vous d’un enfant qui dirait à sa maman :
« Il faut que je m’habille CRA c’est l’heure de partir ». L’enfant rectifiera lui-même cette monstrueuse anomalie. Il écrit CRA pour CAR parce que les méthodes traditionnelles l’ont habitué à l’écriture gratuite. Comme il ne comprend pas ce qu’il écrit et que de toutes façons cela est sans importance il écrira indifféremment CRA ou CAR.
Redonnons un sens, un esprit à son écriture. L’enfant sentira lui-même la portée de son erreur et se corrigera immanquablement.
Il est enfin une constatation générale : la dyslexie n’existe absolument pas dans les écoles travaillant selon nos techniques et nos enfants qui en sont affectés s’y guérissent.
 Dans l’actuelle querelle des méthodes, voilà des résultats qui mériteraient d’être examinés de très près, mesurés et commentés par des éducateurs.
Si les faits que nous signalons sont exacts, si la thérapeutique que nous préconisons est valable, on ne risquera plus d’englober nos techniques dans une réprobation qui n’est pas toujours imméritée puisque nous apportons des solutions éprouvées aux tares d’une pédagogie qu’il nous faut d’urgence moderniser.
6° ON ACCUSE ENFIN LES METHODES GLOBALES DE L’IMPUISSANCE CROISSANTE DES  ENFANTS A FAIRE UN EFFORT
 A tel point qu’on se demande si une éducation autoritaire ne serait pas mieux en mesure d’enrayer le mal, et si l’âge d’or de la pédagogie n’est pas dans les traditions du passé plutôt que dans les audaces des chercheurs contemporains
La solution des problèmes pédagogiques de l’heure ne saurait être en tout cas dans un retour aveugle à des pratiques d’autoritarisme dont nous n’avons que trop souffert. La vie marche et nous devons marcher avec elle, attentifs à ce qu’elle nous vaut de constructif et d’éminent dans le monde que nos enfants auront à dominer et à asservir.
Publié dans « Les amis de Freinet « 
LA MÉTHODE GLOBALE : UNE INSTITUTRICE TÉMOIGNE

Questions-de-societe

Ce témoignage très concret traduit l’indignation de tous les enseignants qui refusent d’accepter qu’un enfant puisse se retrouver en échec scolaire dès le CP à cause de ses difficultés de lecture.

 Ce que j’ai pu observer chez les enfants qui ont appris à lire par la méthode de lecture globale, voire semi-globale, est qu’ils mettaient beaucoup trop d’énergie à  déchiffrer les mots, beaucoup d’attention et d’effort à un âge, comme 9-10 ans, où ils sont censés lire de manière assez fluide. N’ayant pas une maîtrise visuelle rapide de l’association des lettres pour former les syllabes adéquates et donc les mots, la compréhension devient nettement plus difficile. Comme il y a eu beaucoup d’effort fourni pour le déchiffrage, ils ne sont plus guère réceptifs pour la 2ème étape. À La lecture devient une corvée pour certains, qui sont alors plus réticents pour tout ce qui englobe de l’écrit.
De plus, ils doivent mémoriser des mots sans avoir de repères pour les syllabes puisqu’ils ne connaissent pas les lettres et leurs différents sons en fonction de leur association avec d’autres lettres. L’accumulation de toute cette signification les met en pleine confusion et on passe plusieurs années de suite à rabâcher les mêmes leçons, comme les homonymes grammaticaux (on-ont, a-à ,et-est…), et corriger les erreurs du CE1 au CM2. Parfois, ce n’est toujours pas acquis au collège, alors que ceci devrait l’être s’ils avaient une réelle compréhension des mots. L’apprentissage de la lecture est censé se mettre en place sur 2 ans mais il n’en est rien, puisque fin CP on catalogue déjà certains enfants comme en échec.
Je défie des adultes d’apprendre le russe ou l’arabe simplement en mémorisant des mots sans passer par une reconnaissance minimale de lettres, je pense qu’ils ressentiraient vite un malaise et abandonneraient l’apprentissage.
J’ai été amené dans ma carrière à conseiller aux parents désespérés de reprendre le livre la « méthode Boscher », pour travailler en parallèle à  la maison et rattraper les lacunes que l’enfant avait pour certains phonèmes.
Personnellement, je l’ai fait pour ma fille qui pleurait tous les soirs car elle n’arrivait pas à  mémoriser les mots. J’ai laissé tomber les mots, je lui faisais faire de la lecture syllabique en la faisant jouer avec des cartes, une lettre par carte, selon la méthode Boscher. Elle regroupait les cartes comme par exemple « L » et « I », qui font « LI » et elle recherchait tous les mots dans lesquels elle pouvait entendre LI, peu importe la place de la syllabe dans le mot. Petit à petit, elle construisait des mots plus complexes.
Il est clair que le système d’enseignement où tout le monde doit apprendre à la même vitesse ne favorise pas ceux qui auraient besoin de plus de temps pour appréhender les nouvelles leçons. C’est encore un autre débat.
À la campagne, les plus grands aidaient les petits à lire, ceux qui étaient en difficulté avaient plus de chance que dans une classe à 30 où cela devient une « usine à  lecteurs » et si une pièce est défectueuse, elle est mise au rebut.
J’ai toujours été horrifiée d’entendre dire qu’un enfant était en échec scolaire dû à  ses difficultés de lecture, alors qu’il venait à peine de démarrer sa scolarité. Je ne parle pas des nombreux enfants qui passent ensuite entre les mains du psychologue scolaire puis c’est au tour des spécialistes.
Un 2ème volet très important est la compréhension des mots durant la lecture. Il est clair que si l’enfant ne fait que déchiffrer des mots sans les connaître et les comprendre, la méthode syllabique peut paraître limite. Il faut faire un travail parallèle d’explications des mots simples et d’utilisation de ces mots dans le langage courant afin que l’enfant en ait le concept. Ceci dès qu’ils abordent la moindre lecture.
Anecdotes:
1. Dans une classe de CM1, cours moyen 1ère année, une élève lisait un texte d’histoire. Elle a lu la « bouteille de Waterloo » à la place de la « bataille de Waterloo », il n’y a pas eu de réaction des élèves trop concentrés sur le déchiffrage. Après quelques instants, quelques-uns ont finalement réagi.
2. Un élève niveau CM1 n’écrivait même pas phonétiquement, par moments il était impossible de comprendre ce qu’il a voulu écrire, lui-même n’arrivait pas à se relire. Je lui ai fait refaire les lettres de l’alphabet à la pâte à modeler. Subitement avec un grand sourire, et très surpris, il s’exclame qu’il ne savait pas que la lettre « U » s’écrivait aussi simplement, pour lui cela s’écrivait « EU ». Je vous laisse imaginer les autres sons..
3. Horreur ! Je faisais lire des élèves de CP en étude le soir et l’enfant était incapable de faire sa lecture de texte que la maîtresse lui avait demandé de faire. Je vais voir l’instituteur et lui demande comment je dois faire lire l’enfant qui ne connaît pas les lettres et est donc dans l’incapacité de lire si ce n’est de mémoire. Elle m’a répondu que je devais lui souffler les mots. SCANDALEUX !!!
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