Internet : Jean-Jacques Urvoas défend un texte de loi liberticide

17/12/2013 – 08H00 Quimper (Breizh-info.com) – Alors que le Parlement a définitivement adopté, le 10 décembre dernier, le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019, la polémique ne cesse d’enfler concernant l’article 13 de ce texte qui entend mettre l’Internet sous le contrôle permanent du gouvernement. Une disposition liberticide que soutient bec et ongles le député (PS) de Quimper Jean-Jacques Urvoas.
Que prévoit le fameux article 13 ? Officiellement, ce texte permettra de capturer en temps réel des informations et des documents – qui « peuvent être recueillis sur sollicitation du réseau et transmis en temps réel par les opérateurs aux agents mentionnés » – tant auprès des hébergeurs que des fournisseurs de service ; de requérir ou capturer des « informations ou documents traités ou conservés par leurs réseaux ou services », et non plus seulement des données de connexion ; d’’élargir la liste des administrations qui peuvent requérir ces interceptions ou captures, par exemple au ministère de l’économie et du budget ; enfin d’’élargir les finalités de ces mesures à la sauvegarde du « potentiel scientifique et économique de la France » et à la prévention « de la criminalité ou de la délinquance organisées ». Derrière ces objectifs affirmés, c’est en réalité un contrôle généralisé de l’Internet qui va se mettre en place.
« Dans le contexte des révélations d’Edward Snowden sur l’espionnage massif et généralisé des citoyens, il est choquant de voir le Parlement adopter un texte qui entérine l’état d’exception et permet de violer la vie privée des citoyens. Les élus doivent entendre l’appel de la société civile et saisir le Conseil constitutionnel avant l’application de ces mesures attentatoires aux libertés fondamentales » observe Philippe Aigrain, cofondateur de La Quadrature du Net.
Intervenant dans le débat sur son blog, Jean-Jacques Urvoas se veut rassurant. Pour le président de la commission des lois à l’Assemblée nationale, « cet article du projet de loi de programmation militaire comporte des avancées évidentes pour l’Etat de droit (sic). » Selon lui, en effet « pour qu’une opération de géolocalisation en temps réel soit réalisée, elle devra être sollicitée par les ministres compétents auprès du Premier ministre, lequel consultera la CNCIS selon la pratique établie depuis 1991. » L’élu du Finistère ajoute, histoire de rassurer, que « depuis 1991, une autorité administrative indépendante (la CNCIS) veille aux respects des libertés individuelles. Et son bilan plaide sans conteste en faveur de son efficacité ».
Le député de Quimper oublie un détail : il est lui-même l’un des trois membres de cette CNCIS ! Comme le rappelle opportunément le site Numerama.com, « on n’est jamais mieux flatté que par soi-même. (…), Jean-Jacques Urvoas présente la CNCIS comme une autorité administrative indépendante. Officiellement il a raison. C’est écrit tel quel dans la loi. Dans les faits, en revanche, le doute est permis. Sur ses 3 membres, 2 sont des parlementaires désignés par les présidents des deux chambres. Le troisième, le président de la CNCIS, est directement désigné par le Président de la République, entre quatre personnes proposées par le vice-président du Conseil d’Etat et le premier président de la Cour de cassation. ». Juge et partie, l’intervention de Jean-Jacques Urvoas a tout d’un plaidoyer pro-domo.
Un plaidoyer qui ne cache d’ailleurs pas ses buts : « …Il s’agit de lutter contre l’espionnage, le terrorisme, la criminalité organisée ou les groupes radicaux violents avec des moyens respectueux des libertés individuelles ! ». Mais il est toujours tentant de considérer l’adversaire politique comme un « radical violent », quitte à organiser une petite provocation s’il le faut… Dans l’esprit du gouvernement actuel, il est probable que, pêle-mêle, les Bonnets rouges, La Manifestation Pour Tous, les Veilleurs, les Hommen, l’Acipa et autres adversaires du projet de Notre-Dame-des-Landes, et tous les mouvements un tant soit peu contestataires entrent dans le champ de cette définition. On imagine comment François Mitterrand aurait pu utiliser de tels moyens, lui qui faisait espionner l’écrivain breton Jean-Edern Hallier de peur qu’il ne révèle l’existence de sa fille cachée. Gilles Babinet a évoqué la mise en place d’une « dictature numérique ». C’est un avis d’expert : l’homme est responsable du numérique pour la France auprès de la Commission européenne.

Photo : DR
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