14/12/2013 – 11H00 Paris (Breizh-info.com) – Le rapport commandé par Jean-Marc Ayrault, qui devrait, à partir de 2014, servir de point de départ de la refondation de la politique d’intégration, vient d’être divulgué : il aura mobilisé durant plus d’un trimestre plusieurs « commissaires » – aux frais du contribuable – réunis en cinq commissions distinctes. Il est disponible en fin d’article, dans son intégralité.
Ce rapport a fait l’effet d’une bombe sur la scène politique, provoquant une levée de bouclier au sein de tous les partis de droite et au sein même de la majorité. Complètement décalé par rapport aux réalités vécues par les Français aujourd’hui, il a été rédigé pour l’essentiel par des acteurs de la société civile ou politique ainsi que par des étudiants (?), souvent très engagés en faveur des immigrés. Les cinq volets d’études étaient les suivants :
- Faire société commune dans une société diverse – Ahmed Boubeker et Olivier Noël
- Vers une politique française de l’égalité – Fabrice Dhume et Khalid Hamdani
- L’habitat, facteur d’intégration – Chaynesse Khirouni – Chantal Talland (Directrice de l’IFMO)
- Connaissance et reconnaissance
- Thierry Auzer, directeur du Théâtre des Asphodèles et Président de l’association « La caravane des dix mots »
- Bernard Benhamou, Délégation aux usages de l’Internet sur numérique et politiques d’intégration
- Ministère chargé des PME, de l’Innovation et de l’Économie Numérique
- Hélène Bertheleu, sociologue, Université François Rabelais de Tours, Association Mémoires Plurielles
- Pascal Blanchard, président et co-directeur du groupe de recherche ACHAC (Association connaissance histoire Afrique contemporaine), chercheur au laboratoire Communication et Politique (CNRS)
- Karim Boursali, étudiant
- Charlotte Dammane, cabinet du ministère des Anciens combattants
- Sylvie Dreyfus, chargée de mission pour la diversification des publics, Bibliothèque nationale de France
- Dominique Falcoz, présidente et Mohammed Ouaddane, délégué général du Réseau Mémoires-Histoires en Île-de-France
- Catherine Guillou, directrice des publics, Musée du Louvre
- Protection sociale – Bénédicte Madelin et Dominique Gential
La commission « Connaissance et reconnaissance », préconise tout simplement d’« assumer la dimension arabo-orientale de la France ». « Un des sujets fondamentaux est donc la question de la langue arabe au regard de notre histoire commune de colonisation et de décolonisation. La France devrait assumer la dimension “arabe-Orientale” de son identité. Il faudrait donc valoriser l’enseignement de l’arabe, assuré par l’Éducation nationale au même titre que les autres langues en l’introduisant dans les meilleures écoles et lycées sur tout le territoire français. Il pourrait aussi être proposé l’enseignement dès le collège d’une langue africaine, par exemple le bambara ou le dioula ou le lingala ou même le swahili. Il est essentiel de rappeler que les langues de France sont : la variété dialectale de l’arabe (arabe maghrébin), le berbère, le yiddish, l’arménien occidental, le judéo-espagnol et le romani. »
D’autres propositions, comme celle d’autoriser le port du voile à l’école, de créer un délit de « harcèlement racial » et une « Cour des comptes de l’égalité » ou encore de supprimer le mot « intégration » pour le remplacer par l’expression « faire France en reconnaissant la richesse des identités multiples » donnent un peu plus de précision et d’indices sur les buts recherchés par les auteurs de ce rapport qui bénéficie manifestement de l’écoute attentionnée du gouvernement et du Premier Ministre.
« Pour moi, il s’agit de déraciner le peuple français…», déclare de façon très inquiète Malika Sorel-Sutter, ancien membre du Haut Conseil à l’intégration. « L’histoire enseignée se réfère à des figures incarnées qui demeurent très largement des “grands hommes” blancs et hétérosexuels. Il y a donc un enjeu fort à faire évoluer le “panthéon” des figures censées incarner les grands mouvements, les époques et les dynamiques plurielles de la société ». La commission réclame la création de « nouvelles rues et place de villes et de villages » en écho avec cette histoire des migrations.
La création d’un « musée de la colonisation » est également préconisée… place de la Concorde, à Paris.
Loin du style employé habituellement par l’administration, dans ce rapport de 276 pages les commissaires martèlent, interpellent, exigent presque, à grand renfort de pédagogisme extrême, de concepts creux, mais aussi de sanctions pénales, ce que devra être, selon eux, la France de demain. On est proche de Big Brother et la Novlangue imaginée dans le 1984 de George Orwell.
«Ce n’est pas parce que je reçois des rapports que c’est forcément la position du gouvernement», a déclaré hier à Rennes Jean-Marc Ayrault. On appréciera le « forcément ». Et à peine arrivé en Guyane, François Hollande a dû renchérir en affirmant, la main sur le coeur, que «ce n’est pas du tout la position du gouvernement». De son côté Manuel Valls, a répété, sur BFM-TV, que le rapport «n’engage pas le gouvernement» précisant toutefois que «la volonté du gouvernement, c’est de refonder notre système d’intégration».
Un rétropédalage qui traduit l’embarras dans lequel se trouve le gouvernement. Comment intégrer des populations issues de cultures radicalement différentes dans une France qui tente désespérément de sauvegarder un minimum d’homogénéité, celle-ci se réduisant à un catalogue de « valeurs laïques et républicaines » qui peinent, c’est le moins que l’on puisse dire, à faire sens aujourd’hui ? Le défi semble relever clairement de « mission impossible ». C’est bien ce que met en évidence ce fameux rapport.
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