13/12/2013 – 08H00 Brest (Breizh-info.com) – Seuls les plus de 40 ans s’en souviennent : Kofi Yamgnane fut un jour l’icône de l’« intégration réussie ». Né en 1945 au Togo, élève brillant, il était venu faire ses études à Brest, avait obtenu la nationalité française et était entré à la direction départementale de l’équipement du Finistère. Son élection comme maire de Saint-Coulitz en 1989 avait été une divine surprise pour les partisans de l’immigration : tandis qu’un Front National en plein essor dépassait les 20 % à Perpignan, Dreux et Mulhouse, une commune bretonne de 350 habitants élisait un maire africain !
Ainsi devenu un héros des milieux bien-pensants, Kofi Yamgnane est nommé en 1991 secrétaire d’État à l’Intégration dans les gouvernements socialistes d’Édith Cresson puis de Pierre Bérégovoy. Quoique bref (moins de deux ans) et sans lustre, ce passage au pouvoir lui sert de tremplin politique : il devient conseiller général puis conseiller régional et, en 1997, député du Finistère. Assez vite cependant, sa carrière tourne court. Battu aux élections législatives dès 2002 par l’UMP Christian Ménard, Kofi Yamgnane se désintéresse de ses mandats locaux ; Sheilla Laclusse-Le Nost, la candidate PS d’origine guadeloupéenne pressentie pour lui succéder au conseil général, sera battue par le candidat de droite Jacques Gouérou.
Mais Kofi Yamgnane a déjà la tête ailleurs. Il nourrit de plus hautes ambitions dans son pays natal, le Togo : il se porte candidat à l’élection présidentielle de 2005, puis renonce devant les complications de la politique togolaise. Il tente un retour aux affaires en France en 2007, mais le PS refuse d’en faire sa tête de liste aux élections sénatoriales dans le Finistère. Nicolas Sarkozy envisage sans doute de l’ajouter à son écurie « issue de la diversité » aux côtés de Fadela Amara ou de Rama Yade (approchée, Christiane Taubira refuse toute proposition), mais se contente finalement de le nommer officier de la Légion d’honneur dans la promotion du 14 juillet 2007. François Hollande, à son tour, le fera commandeur de la Légion d’honneur dans la promotion du 14 juillet 2013.
Insatisfait, Kofi Yamgnane se tourne à nouveau vers le Togo. En 2009, il annonce sa candidature à l’élection présidentielle de l’année suivante, à laquelle, en définitive, il ne pourra se présenter en raison d’un problème d’état-civil. Le voici à présent candidat à l’élection de 2015 ; il aura alors 70 ans.
Sa carrière française lui laisse manifestement quelque amertume. « La France n’est pas devenue raciste, la France a toujours été raciste », déclare-t-il sur France Info après les attaques contre la garde des Sceaux. « Aujourd’hui, les Français se sentent libres, libérés, de pouvoir dire derrière leur [ancien] président : Les Noirs sont des singes, Christiane Taubira est une guenon. » Probablement soumis à d’amicales pressions, il amorcera un rétropédalage quelques jours plus tard.
L’Afrique ne lui inspire pas plus d’optimisme. Dans un court essai publié cet automne aux éditions Dialogues, Afrique, introuvable démocratie, il brosse le tableau plutôt sombre d’un continent violent et corrompu. « J’ai donné ma jeunesse à la France, je choisis de donner ma sagesse à l’Afrique », déclarait-il lors de la campagne de 2010. Il n’est pas dit que l’Afrique en veuille. « On nous dit que le fait pour Kofi Yamgnane d’avoir été membre du gouvernement français, dans ‘la patrie des Droits l’Homme’ fait de lui le meilleur candidat », écrivait récemment un de ses adversaires. « Une telle argumentation est une véritable insulte pour le peuple togolais. » Si l’intégration de Kofi Yamgnane en Bretagne n’est pas le succès qu’on a décrit un peu vite en 1989, sa réintégration au Togo n’est pas non plus un chemin de roses. Il n’est pas facile de courir deux nationalités à la fois.
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