05/12/2013 – 10H00 Notre-Dame-des-Landes (Breizh-info.com) – Lors du rassemblement festif de cet été à Notre-Dame-des-Landes, on avait eu l’occasion de remarquer la virulence des propos de Julien Durand, l’un des leaders de l’ACIPA – l’association anti-aéroport. On pouvait mettre sa charge anti-PS et anti-Ayrault sur le compte de l’ambiance qui régnait sur le terrain. Pas du tout, c’est un discours constant.
Ces temps-ci, assister à la projection du film « Le tarmac est dans le pré » qui retrace l’histoire du mouvement de résistance des paysans de Notre-Dame-des-Landes permet de comprendre beaucoup de choses. Parfois un débat suit. Lorsque l’animation est assurée par Julien Durand, le spectateur n’est pas déçu. L’ancien agriculteur, aujourd’hui à la retraite, non seulement maîtrise parfaitement son dossier, mais encore possède des qualités d’orateur chevronné – les deux en font un leader agréable à écouter. Bref, avec Julien Durand, c’est tous les jours la fête des socialistes en général et de Jean-Marc Ayrault en particulier.
Quelques preuves de l’amour que le paysan porte à ces derniers : « Le parti socialiste, il faut lui faire la peau » ; « C’est dégueulasse l’alliance de la droite et de la gauche à Bruxelles et au Parlement européen » ; « Le PS et l’UMP, il y a pas de cadeau à leur faire » ; « Ayrault, vaut mieux qu’il reste à Paris »…
Bien entendu, Julien Durand et ses amis appartiennent à la mouvance Confédération paysanne ; supposer qu’ils ont voté Hollande dès le premier tour de l’élection présidentielle va donc de soi. Manifestement on ne les y reprendra pas ! Entendre de pareils propos apparait beaucoup plus instructif qu’un cours de professeur de Sciences-Po. On comprend tout de suite la rupture franche et massive entre le petit peuple de gauche et les élites socialistes. Avec des conséquences à prévoir pour les municipales et les européennes de 2014 : gonflement de l’abstention et amélioration des scores du FN.
Une partie du film est consacré à un entretien avec son éminence Jacques Auxiette, président du conseil régional des Pays-de-la-Loire. L’homme – interviewé dans sa voiture de fonction – apparait content de lui, suffisant, méprisant envers les petites gens de Notre-Dame-des-Landes. Manifestement une prestation contre-productive…
L’association ACIPA a pour elle l’ancienneté dans l’action, une solide base territoriale, des relais ici et là qui lui permettent de mener une guérilla juridique efficace et l’appui d’une partie de la population – sauf, évidemment, les commerçants et les petits patrons du secteur qui rêvent tout éveillés en croyant que l’ « aéroport du grand ouest » fera tinter leur tiroir-caisse. Alors que Vinci a tout ce qu’il faut avec ses sous-traitants habituels (roumains, polonais, espagnols…) qui, eux, sont « compétitifs ». Au mieux, les entreprises bretonnes recueilleront quelques miettes.
Pourtant, il manque à l’ACIPA un élément qui a fait le succès des Bonnets rouges : la dimension identitaire. Dans une manifestation de ces derniers, on sait qu’on se trouve en Bretagne ; dans un rassemblement de l’ACIPA, seuls quelques drapeaux bretons apparaissent – d’où une absence de densité. Erreur technique – et politique – car Paris et Ayrault ont peur de l’idée bretonne. Donc, donner à l’ACIPA une couleur « Gwen-ha-du » ne peut qu’améliorer le rapport de force. Et accentuer le stress de Jean-Marc Ayrault.
Photo : NON à l’aéroport NDDL/Flickr (cc)
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