29/10/2013 -10H00 Quimper (Breizh-info.com) – Il ne faut pas préjuger des suites d’une révolte fiscale. En 1675, la révolte des Bonnets rouges naît d’une exaspération fiscale. Ruiné par la guerre de Hollande, l’État français multiplie les taxes sur le tabac, les objets d’étain, les actes notariés, etc. – jusqu’au jour où « ça finit par péter ». En septembre, la révolte bretonne est écrasée par une sévère répression. Sébastien Le Balp est tué. De Nantes à Brest et de Rennes à Pont-L’Abbé, de nombreux meneurs sont pendus. Des centaines peut-être, même si les historiens ne s’accordent pas sur l’ampleur de la répression. Les États de Bretagne sont muselés. Condamnée à payer les frais de son occupation militaire, la Bretagne est ruinée. L’échec de la révolte condamne les libertés bretonnes bien plus sûrement que le traité de 1532.
Près d’un siècle plus tard, la révolte américaine naît elle aussi d’une révolte fiscale. Depuis 1767, la Grande-Bretagne soumet à l’impôt ses colonies d’outre-Atlantique. En difficulté financière, le gouvernement britannique multiplie les prélèvements ; en particulier, il taxe le thé, produit de base sur ce territoire de culture British. Là aussi, « ça finit par péter ». En décembre 1773, à Boston, un commando anti-fiscal jette à la mer une cargaison de thé de la British East India Company. Cet événement, resté dans l’histoire sous le nom de « Boston Tea Party » est le point de départ symbolique de la révolution américaine. En 1775, cent ans après les Bonnets rouges, les colons prennent les armes contre la Grande-Bretagne. En 1783, les États-Unis d’Amérique obtiennent leur indépendance.
Le cygne noir porte un bonnet rouge
Une révolte fiscale a donné le coup de grâce à l’indépendance bretonne, une autre a donné le coup d’envoi à l’indépendance américaine. Bien malins les pronostiqueurs qui auraient pu dire à l’avance que l’ancien État souverain s’en tirerait moins bien que les jeunes colonies. On est dans le registre du cygne noir en politique.
Le Tea Party américain a fait les gros titres de la presse récemment. Ce parti, ou plutôt cette fraction du Parti Républicain, doit son nom à la Boston Tea Party, jouant sur l’ambiguïté du mot anglais « party », qui signifie à la fois « fête » et « parti » (et « TEA » signifie pour lui « Taxed Enough Already » : ras-le-bol des impôts !*). Il s’oppose à l’augmentation des interventions étatiques, et donc de la fiscalité. Ses moyens sont plus légalistes que ceux de 1773 : en repoussant au parlement le 18ème relèvement du plafond de l’endettement public, il a failli déclencher une crise majeure voici une quinzaine de jours.
Cet « exploit » a valu au Tea Party une réprobation unanime des milieux « modérés », y compris en France, où la quasi-totalité de la presse a condamné ses « excès ». Mais qu’aurait-elle dit des Bonnets rouges, cette presse, si elle avait existé en 1675 ? Et surtout, what’s next? Les États-Unis ont une nouvelle fois échappé au dépôt de bilan. Ils s’en sont sortis de justesse – en s’endettant encore un peu plus, et jusqu’au prochain blocage budgétaire. Les conséquences politiques sont imprévisibles. Le message des Bonnets rouges de 2013, basique, est au fond le même que celui des Bonnets rouges de 1675 et des Bostoniens de 1773 : « ça suffit comme ça ! » La suite n’est absolument pas écrite.
Charles Rupiquet
* P.S. « Cidre », de son côté, pourrait signifier « contre les impôts, démontage des radars écotaxe ».
Crédit photo : domaine public, timbre-poste du US Post Office
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Une réponse à “Du Tea Party au Cidre Party ?”
[…] siècle. (Ce qui ne signifie pas que le chemin soit semé de roses : la révolte des gueux ou la Boston Tea Party, toutes deux d’origine fiscale, ont préludé à des guerres de libération très dures.) Si la […]