27/10/2013 – 10H00 Auray (Breizh-info.com) – Ce n’est pas donné à tout le monde de bénéficier de 110 lignes à la une du Monde. Et sous la forme d’un éditorial, c’est-à-dire engageant la direction du quotidien. Voilà le privilège dont vient de bénéficier Philippe Le Ray * (apparenté UMP), député d’Auray, (Le Monde Week-end, 12/10/13). Un « basier » de l’Assemblée nationale devenu la vedette d’un jour du quotidien dit « de référence ».
Il est vrai que c’était pour un mauvais motif et que M. Le Ray se serait bien passé de cette publicité contre-productive. En effet, au cours d’une séance de nuit (mardi 8 octobre), il avait moqué une députée EELV en faisant entendre un « Cot, cot, cot, codec » alors que cette dernière défendait un amendement ? Caquètements qui provoquent les protestations de la dame et les rires d’autres élus UMP. Ce n’était pas une affaire d’Etat, mais, en 2013, le « politiquement correct » interdit ce genre de comportement. Petite broutille qui fit les choux gras des médias pendant quelques jours – la féminisation de la corporation journalistique aidant. Incident qui serait passé complètement inaperçu sous la IIIème République, et tout autant sous la IVème, époque où la vie parlementaire faisait preuve de d’avantage de rudesse. Dans l’hémicycle du Palais-Bourbon, insultes et affrontements physiques étaient monnaie courante. Rien à voir avec ces « caquètements ».
D’abord réprimandé par le maître des lieux, Claude Bartolone, qui jugea utile de suspendre la séance, ensuite puni « à l’issue d’un vote unanime de la conférence des présidents » où il se voit infliger un « rappel à l’ordre » qui le privera pendant un mois d’un quart de son indemnité parlementaire –dixit Le Monde -, M. Le Ray se voit contraint de faire amende honorable : « J’ai eu un comportement inapproprié. Je le regrette. » Bref, l’intéressé tient à « s’excuser solennellement » ‘Ouest-France, 12-13/10/13). Il ne recommencera plus…
Les crises d’urticaire de la gauche sociétale sont l’occasion d’observer une nouvelle fois le déséquilibre existant dans le traitement par le quotidien Le Monde. Pour consacrer un éditorial de 110 lignes à une affaire médiocre et subalterne, il faut vraiment avoir du temps et de la surface rédactionnelle à perdre. A coup sûr, c’est plus facile que d’analyser l’effondrement de l’agroalimentaire en Bretagne et l’échec de ce que les économistes appellent le « modèle breton ». Qui pourrait aider Nathalie Nougayrède à distinguer l’essentiel de l’accessoire ?
* Philippe Le Ray incarne bien le député ayant suivi un cursus d’élu local. Agriculteur, il devient conseiller municipal de Plumergat (1995), puis adjoint de cette commune (2001), conseiller général du canton d’Auray (2008), député de la circonscription d’Auray (2012). Ni apparatchik ni énarque.
En 2012, il se présente sous l’étiquette « divers droite » contre le député sortant Michel Grall (UMP) et une candidate socialiste Nathalie Le Magueresse. Il élimine le sortant au premier tour (24,34% contre 20,01%) et la socialiste au second (51,88% contre 48,12%). « C’est le résultat d’une campagne de proximité, expliquait-il alors. Les gens veulent qu’on fasse de la politique différemment. On le voit bien. Là où je suis connu, dans le canton d’Auray notamment, je suis largement devant. » Mais soupe à la grimace du côté de Mme Le Magueresse : « Ce qui me désole, c’est que Philippe Le Ray gagne en ayant fait une campagne en se trompant d’élection. Il s’est présenté comme un super-conseiller général. »
La proximité constituait l’atout majeur du vainqueur. Tandis que Nathalie Le Magueresse mettait en avant son amitié avec le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, Philippe Le Ray, lui, revendiquait ses attaches terriennes (Ouest-France, 18/06/12).
Puisque Mme Le Magueresse se flattait de ses bonnes relations avec le Premier ministre, c’est le moment de montrer à la Bretagne et aux Bretons que ce n’était pas du vent. Elle pourrait défendre à Matignon avec vigueur et efficacité le dossier Gad, par exemple. Les copains bien placés, ça peut servir.
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