22/10/2013 – 10h00 Notre-Dame des Landes (Breizh-info.com) –Le projet de construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes – en remplacement de Nantes-Atlantique (Bouguenais) – est forcément « utile » puisqu’un texte tout ce qu’il y a de plus officiel le déclare. C’est en effet le 9 février 2008 que Jean-Louis Borloo, ministre de l’Ecologie, signe un décret* déclarant d’utilité publique cette nouvelle infrastructure. Et cela en dépit des engagements du Grenelle de l’environnement. Bien entendu, il est facile de deviner que François Fillon, Premier ministre à l’époque, tenait la main de son ministre lorsque ce dernier a signé. N’oublions pas que le même François Fillon, lorsqu’il était président du conseil régional des Pays de la Loire, fut un ardent soutien du projet en question.
Nombreux sont les arguments utilisés pour justifier la construction de cet aéroport. Les deux plus fréquemment utilisés méritent d’être rappelés. D’abord « ce projet aura des retombées immédiates et de long terme pour le développement économique, l’emploi, l’attractivité et le rayonnement international des régions des Pays de la Loire et de la Bretagne ». Ensuite « nous n’acceptons pas de laisser le cœur de la métropole nantaise et plus de 40 000 habitants subir les nuisances quotidiennes d’un survol à basse altitude d’avions de plus en plus nombreux. » Voilà ce qu’affirmait Jacques Auxiette (PS), président du conseil régional des Pays de la Loire, ainsi que 11 autres hiérarques socialistes (Massiot, Grosvalet, Delaveau…) et un élu de droite (Yves Métaireau, maire de La Baule-Escoublac) dans une page de publicité publiée dans Libération (18/12/2012).
Mais on accorde peu de place à d’autres arguments plus solides et plus « concrets » – surtout pour le tiroir-caisse. « A qui profite le crime ? », telle est l’une des premières questions que se posent les officiers de police judiciaire lorsqu’ils ouvrent une enquête criminelle. En politique il en va de même : sur ces gros dossiers d’aménagements, on a le droit – et le devoir – de s’interroger sur les bénéficiaires de l’opération. C’est le meilleur moyen de comprendre le pourquoi et le comment de l’affaire.
Un examen approfondi de la presse permet de trouver de bonnes explications. « Le transfert n’est pas une réponse à des problématiques aéronautiques, mais un choix politique de développement du territoire », reconnait Nicolas Notebaert, président de Vinci Airports, la branche du géant du BTP auquel a été confié le soin de construire et de gérer le nouvel aéroport (L’Express, 25/07/12).
« Voilà la clef », selon Benjamin Peyrel, le journaliste qui signe l’article. Si Jean-Marc Ayrault porte ce projet, c’est « sans doute un peu par entêtement, sans doute un peu par souci du rayonnement européen de la métropole nantaise, mais surtout parce que l’ancien aéroport gêne le développement de l’agglomération ». « C’est la seule explication qui tienne, confirme Alain Crozet, directeur du Laboratoire de l’économie des transports (LET). Le déménagement de Nantes-Atlantique libérerait près de 600 hectares de terrains au sud de la ville, à proximité du centre. » (L’Express, 25/07/12)
Dans ces conditions, à qui profite le « crime » ? Réponse : aux banquiers, aux promoteurs immobiliers, aux entreprises du bâtiment et des travaux publics, bref à des acteurs habitués à travailler en bonne entente avec les partis de gouvernement. Certes un lecteur attentif aura pu relever ici ou là quelques timides aveux concernant ce que Ronan Dantec (EELV), sénateur de Loire-Atlantique, appelle « les motivations réelles qui sous-tendent la création de cet aéroport » et qui « ne sont pas mises sur la table » (Le Monde, 17/11/12). C’est le cas avec Christophe Clergeau (PS), premier vice-président du conseil régional des Pays de la Loire, qui affirme que cela permettrait d’accueillir 15 000 habitants à l’intérieur du périphérique (France 3, 23/11/12). Mais aussi de Pierrick Massiot (PS), président du conseil régional de Bretagne, pour qui le transfert à Notre-Dame-des-Landes permettrait de rendre constructibles de nouveaux terrains nantais et d’accueillir ainsi quelque 15 000 habitants (Ouest-France, 18/12/12). Tous les décideurs semblent sur la même longueur d’onde : la fermeture de Nantes-Atlantique intéresse l’Etat et la Ville, car elle permettrait de récupérer le terrain de l’aéroport, les parkings, la piste, le tout situé idéalement à 5 kms de Nantes ; « Ces surfaces permettraient de soulager la pression démographique » avance Christian de Lavernée, le préfet de région (Le Monde, 09/11/12). Ce que confirme le factotum de Jean-Marc Ayrault, Jacques Auxiette, lorsqu’il révèle le grand objectif : « Faire une ville dense et compacte à Nantes en déplaçant l’aéroport actuel » et « pouvoir accueillir 15 000 habitants à l’intérieur du périphérique nantais, plutôt qu’en périurbain » (Aéroport du Grand Ouest – Pourquoi j’y crois, page 10).
On le sait, Jean-Marc Ayrault a toujours caressé de grandes ambitions pour Nantes ; il rêve d’une métropole possédant la dimension européenne. C’est-à-dire capable de jouer dans la cour des « grands » : Milan, Munich, Barcelone… Pour y parvenir, il y a nécessité de favoriser l’augmentation de la population. Cette politique de l’entassement urbain – au détriment des petites villes et des communes rurales – va de pair avec la concentration des activités économiques et culturelles en un même lieu : « Nantes premier servi » devient la devise officielle. C’est pourquoi le projet de construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes constitue un élément important de cette « métropolisation ».
Parler de maladie « métropolitaine » ne semble pas excessif puisque le gouvernement a entrepris de faire voter par le Parlement le projet de loi dénommé « Modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des métropoles ». Ce texte a été voté en première lecture par le Sénat au mois de juin. L’article 31 indique que « peuvent obtenir le statut de métropole les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui forment, à la date de sa création, un ensemble de plus de 450 000 habitants dans une aire urbaine au sens de l’Institut national de la statistique et des études économiques de plus de 750 000 habitants. ». Pour le premier point, nul obstacle puisque la communauté urbaine de Nantes Métropole possédait 591 461 habitants en 2010, répartis sur 24 communes représentant 53 336 hectares.
En juillet, l’Assemblée nationale a examiné le projet en première lecture. Cette fois se voient transformées en une métropole « les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui forment, à la date de sa création, un ensemble de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine, au sens de l’Institut national de la statistique et des études économiques, de plus de 650 000 habitants. Sont également transformés en une métropole les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui forment, à la date de sa création, un ensemble de plus de 400 000 habitants et dans le périmètre duquel se trouve le chef-lieu de région. » (« Petite loi » du 23 juillet 2013).
Les sénateurs souhaitaient accorder ce statut aux seules agglomérations qui en feraient la demande. Les députés, eux, introduisent l’automaticité du statut aux villes qui remplissent les critères. Nantes, évidemment, mais également Rennes.
Les métropoles seront compétentes en matière de développement et d’aménagement économique, social et culturel ; d’aménagement de l’espace métropolitain ; de politique locale de l’habitat ; de politique de la ville ; de gestion des services d’intérêt collectif ; de protection et de mise en valeur de l’environnement et de politique du cadre de vie. Par convention, la métropole pourra également exercer des compétences relevant de l’Etat, du département et de la région.
Comme le dit si bien Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l’Etat, de la Décentralisation et de la Fonction publique : « Les villes françaises, malgré d’indéniables atouts, ont besoin d’affirmer leurs fonctions économiques afin de mieux s’intégrer dans la compétition économique des villes européennes » (Exposé des motifs du projet de loi déposé au Sénat).
Voilà un langage qui ne saurait déplaire à Jean- Marc Ayrault pour qui « les villes du monde, les métropoles, les régions sont en concurrence entre elles à l’échelle mondiale » (Le Journal de Nantes Métropole, n°27, page 11).
Yves Bernard
* Le recours effectué contre ce décret par un collectif d’opposants au projet a été rejeté par le Conseil d’Etat le 16 octobre 2013. Entre 500 et 1 000 manifestants, selon les chiffres de la police et des organisateurs, ont défilé samedi dernier à Nantes pour protester contre le projet d’aéroport. Le feuilleton NDDL continue…
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