20/10/2013 -18h00 Nantes (Breizh-info.com) – Son guide Lonely Planet à la main, elle contemple tristement la porte close du musée départemental Thomas Dobrée. Elle est Irlandaise, elle s’est offert une escapade à Nantes (merci Ryanair). Elle aurait bien voulu visiter le wonderful hotchpotch (merveilleux bazar) vanté par le guide, et surtout voir le cœur d’Anne de Bretagne, of course! Mais le musée est fermé depuis deux ans et pour des années encore. Le guide n’en disait rien. Et pas davantage les informations en anglais sur le site web du département de Loire-Atlantique. Ce petit scandale ne fait pas partie des 7 scandales annoncés. C’est un bonus ! Les vrais scandales accumulés autour du musée, les voici.
- Le permis de construire annulé. Le département de Loire-Atlantique veut rénover le musée Dobrée et l’agrandir de plus de 1.100 m². Sa demande de permis de construire a été acceptée sans coup férir par Nantes Métropole (à majorité socialiste, comme le département). Le permis a été attaqué par une association. Il a été annulé par le tribunal administratif en juillet 2012 : le projet impliquait de sacrifier une partie du parc du musée dans des conditions non conformes au PLU. Nantes, capitale verte de l’Europe 2013, aurait mieux fait d’y regarder à deux fois avant de valider un permis dévoreur d’espace vert !
- Le plafond de verre bétonné. Après concours, le contrat a été attribué en 2010 à Dominique Perrault, connu entre autres pour avoir construit la bibliothèque François-Mitterrand à Paris. Point fort de son projet : la partie en sous-sol du musée bénéficierait d’un éclairage naturel grâce à un vaste plafond de verre. Une fois le projet retenu, la verrière a été abandonnée au profit d’une simple dalle en béton. Mais le contrat n’a pas été retiré au très chic architecte parisien.
- Le budget erratique. Lorsque le projet a été annoncé, en 2008, il devait coûter 26 millions d’euros. Lorsqu’il a été attribué, en 2010, il devait coûter 35 millions. Dès l’année suivante, le budget était porté à 47 millions. Soit 80 % de plus en trois ans. Et le chantier n’a même pas commencé ! Les péripéties en cours pourraient encore aggraver le dérapage.
- Le conservateur introuvable. Jacques Santrot, conservateur du musée Dobrée depuis vingt-cinq ans, a été limogé de la manière la plus discourtoise au lendemain de l’attribution du dossier à Dominique Perrault. Un nouveau conservateur a été trouvé : Louis Mézin, directeur des musées de Nice. Quelques jours avant de prendre son poste, début 2011, il a préféré prendre la tangente. Il a fallu plus d’un an pour lui trouver un successeur, Patrick Porte, qui végétait au ministère de la Culture après avoir dirigé les travaux du Musée national du sport, une opération sévèrement critiquée par la Cour des comptes. Arrivé en mars 2012, il est reparti dès le mois d’octobre. Depuis lors, le musée est administré par une directrice intérimaire. C’est bien suffisant pour un établissement fermé au public et où les travaux ne sont pas près de commencer.
- L’immeuble vétuste en une génération. Dobrée comprend trois bâtiments : le palais Dobrée, construit au milieu du 19e siècle, le manoir de la Touche, construit au 15e siècle, ou vécut le duc de Bretagne Jean V, et l’immeuble Voltaire, construit par le département de Loire-Atlantique en 1974. Lequel des trois est vétuste ? Le troisième, bien sûr ! Victime d’infiltrations récurrentes, il doit être reconstruit dans le cadre du projet actuel.
- Le testament bafoué. En léguant sa demeure et ses collections au département de Loire-Inférieure en 1894, Thomas Dobrée II avait posé quelques conditions. En particulier celle-ci :
« Tous travaux d’achèvement ou constructions neuves et complémentaires devront être exécutés dans le style du Monument et autant que possible sur les plans laissés par M. Dobrée aussi bien pour les bâtiments que pour les jardins. » En acceptant le legs, le département a aussi accepté ces conditions. Mais il s’assied dessus.
- La gestion calamiteuse. Rénover le musée Dobrée, le département y songe depuis longtemps. Un premier projet avait été élaboré au début des années 2000. En arrivant aux manettes en 2004, la gauche l’avait jeté aux oubliettes… pour mieux s’en prévaloir en le réactivant un peu plus tard. Mais avec quelle maladresse ! Aujourd’hui encore, le site web du département affiche le calendrier suivant : Études de maîtrise d’œuvre, 2010 – 2011, Permis de construire, 2011, Début des travaux, 2012, Livraison, 2015. Ce n’était déjà pas un calendrier TGV. Or, aujourd’hui, l’étape du permis de construire prévue pour 2011 n’est même pas franchie. En tentant d’imposer ses vues sans concertation et au mépris du PLU face à des opposants actifs, le département est allé dans le mur. Et il persiste en faisant appel de la décision du tribunal administratif, ce qui peut demander encore des années, au lieu de ramener son projet dans les clous du PLU. « An dianav a rog ac’hanon » (l’incertitude me dévore), dit la devise de Thomas Dobrée gravée au fronton du musée. Elle reste d’actualité.
Crédit photo : dalbera [cc] via Flickr
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Une réponse à “Nantes : les 7 scandales du musée Dobrée”
« « An dianav a rog ac’hanon » (l’incertitude me dévore), dit la devise de Thomas Dobrée gravée au fronton du musée. »