Alain Madelin : les affaires sont les affaires

19/10/2013 – 09h00 Redon (Breizh-info.com) –Nous voilà rassurés : les affaires d’Alain Madelin vont bien ; le business fonctionne à merveille. Lorsqu’en 2007, il avait renoncé à demander aux électeurs de la circonscription de Redon le renouvellement de son mandat de député, on s’était demandé ce qu’il allait pouvoir faire de ses journées, une fois la politique abandonnée.
En bon libéral alléché par la perspective de faire de l’argent, il monte alors sa propre entreprise, Latour Capital, spécialisée dans le conseil financier. Outre cette activité qu’il reconnait fort lucrative, il mène des « actions citoyennes en faveur de l’Afrique » (sic). A la demande de Nicolas Sarkozy, à l’époque Président de la République, il avait lancé un programme pour la scolarisation des enfants africains (Marianne, 04/12/10). Plus précisément, il s’agissait d’un « pack » d’éducation numérique. Grâce à cet ordinateur et à une clé USB, les pays intéressés pouvaient utiliser dans leurs écoles les outils pédagogiques les plus sophistiqués à un coût défiant toute concurrence – paraît-il. L’équipement qui comprend un tableau numérique interactif était disponible pour environ 1000 euros – avec les libéraux, la gratuité n’existe pas (Le Figaro, 21/07/10).

Ce travail « citoyen » méritait évidemment une petite récompense ; ce fut chose faite le 23 mars 2009 lorsque, dans les salons de l’Elysée, Nicolas Sarkozy remit à l’ancien ministre les insignes d’officier de la Légion d’honneur. Avec, à l’appui, un portait « chaleureux, sensible même du chantre français du libéralisme » et cette phrase magnifique du Président : « Tes idées manquent à la politique française. J’ai beaucoup appris auprès de toi. » Avant d’ajouter « en privé » : « Et avant tout l’impopularité du libéralisme. » (Le Point, 23/04/13).
Cela dit, les affaires suivent leur cours puisque Latour Capital, le fonds d’investissement dirigé par Alain Madelin vient de boucler sa quatrième acquisition : il devient actionnaire majoritaire de Risk & Co, une société de conseil en sûreté. La valorisation atteindrait quelques dizaines de millions d’euros. Les 130 consultants de Risk & Co travaillent essentiellement pour les grands groupes industriels français, notamment de l’énergie ou de la défense, présents dans des pays à risque (Le Figaro Economie, 28-29/09/13).

Alain Madelin incarne à merveille le parachuté en Bretagne. L’état-major des Républicains indépendants (Giscard d’Estaing, Poniatowski et compagnie) avaient remarqué ce jeune homme plein de talent ; on lui fit donc cadeau d’une cisconscription en or, ancrée à droite à 80% à l’époque : Redon. Profitant en effet du décès du titulaire, un notable rural, il s’y fait élire en 1978. Réélu régulièrement en 1981, 1986,1988, 1993, 1997 et 2002, sans le moindre effort. Car « Mado » – son surnom du temps de sa jeunesse agitée à Occident – n’appartient pas à la race des députés qui labourent leur circonscription ; c’est un paresseux qui pratique l’absentéisme d’une manière industrielle. Méthode aggravée par l’existence d’un secrétariat de médiocre qualité. Si bien que les scores enregistrés lors des réélections s’effritent avec régularité. Du plébiscite, on passe au ric-rac dans les années 2000. Sa technique est bien rodée : il réapparait un mois avant l’élection et fabrique un bon journal électoral ; c’est l’occasion de voir la différence entre un professionnel de la communication et ses concurrents, amateurs en la matière. Il parvenait donc à se faire réélire avec du vent, après avoir vérifié au moyen d’un sondage que ça pouvait encore passer cette fois…

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Deux chiffres sont éloquents. Lors d’une élection partielle (8 octobre 1995) – après que le Premier ministre Alain Juppé l’ait viré du gouvernement, il est réélu député dès le premier tour, avec 61,09% des suffrages. Sept ans plus tard, en juin 2002, il est réélu député d’extrême justesse, au second tour, avec 50,62% face à la socialiste Monique Pussat-Marsac, femme sans poids politique ni savoir-faire particulier ; sa seule qualité : appartenir au quota « femme » du PS. Le clignotant rouge venait de s’allumer : Madelin était minoritaire à Redon-ville.
Il est vrai qu’il avait commis une erreur monumentale en juin 1995 en se faisant élire maire de Redon. Jusque là, à la vérité, les habitants de la circonscription n’avaient guère l’occasion de l’approcher ; on l’apercevait les rares fois où il débarquait pour inaugurer les vestiaires-douches d’un terrain de football ou bien un comice agricole. A son secrétariat, la réponse était lapidaire : « M. Madelin est à Paris », afin, disait-on, de « défendre les dossiers de la circonscription », sans préciser lesquels. Ne pas se faire voir était à l’avantage du personnage, car lors de ses rares apparitions, il se montrait volontiers méprisant envers les petits élus et distant envers les électeurs. Pour qu’il « fasse le métier » (serrer les mains, embrasser les femmes et les enfants…), la présence de journalistes (appareils photos et caméras) étaient indispensable.

Naïvement, les têtes de la droite redonnaise (commerçants, chefs d’entreprise) qui l’avaient poussé à prendre la direction de leur liste aux élections municipales de juin 1995 s’étaient figuré que M. Madelin – dont les liens avec le grand patronat étaient connus – allait faire venir des usines dans leur ville ; car emplois égale chiffre d’affaires. Mais il n’en fut rien. Quant au petit peuple, il fut bien obligé de constater que son maire était à la fois invisible et inapprochable. Le rejet avait même gagné les membres de sa majorité municipale. Là, Alain Madelin venait de creuser sa tombe.
Il comprit donc qu’il fallait mettre un terme à ses activités (?!) municipales lors du renouvellement de 2001. Les législatives de 2002 s’effectuèrent à l’arraché et les sondages pour 2007 montrèrent que ce n’était pas la peine d’insister ; que s’en était fini de l’aventure bretonne de « Mado » qui dura tout de même vingt-neuf ans grâce à la gentillesse et à la patience d’une population rurale qui n’existe plus aujourd’hui.

Demeurant un champion de la communication, l’ancien ministre de l’Industrie (1986-1988) donnait une explication hautaine à son départ : « Je suis un libéral et, à partir du moment où ma famille s’est retrouvée absorbée par l’UMP, j’ai été contraint au chômage technique par disparition de mon outil de travail. Je ne voyais pas ce que je pouvais faire d’utile en politique, j’ai décidé de ne pas me représenter dans ma circonscription. » (Marianne, 04/12/10).
Voilà qui nous éloigne de la vérité toute nue : si Alain Madelin s’était représenté en 2007, à Redon, il aurait été battu. Propre, net. Il le savait. Plutôt que de subir cette humiliation, il a préféré faire sa valise.

Crédit photos : Prosopee/Wikimedia (cc) et DR
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