30/09/2013 – 11 h – Rennes (Breizh-info.com) – Depuis plusieurs mois, on voit fleurir ici et là sur Internet des articles traitant d’une drogue qui s’intitulerait « Krokodil » et qui aurait des conséquences et des ravages quinze fois supérieurs à l’héroïne.
Cette drogue serait constituée d’un mélange de désopiacé (dérivé de la codéine) avec des résidus de crack, d’héroïne et d’essence notamment, de quoi produire effectivement des effets spectaculaires. Si cette dernière semble exister en Sibérie (le magazine Vice y ayant déjà consacré un reportage vidéo), des rumeurs d’arrivée en Europe de l’Ouest circulent actuellement fortement suscitant à la fois panique et fascination morbide.
L’occasion de rétablir quelques vérités sur cette nouvelle drogue qui semble fasciner et faire peur alors que derrière ces nouveaux « calmants », se trouve en réalité la découverte parallèle d’un grand laboratoire français, le laboratoire Servier, dont l’affaire du Médiator a révélé une face inconnue du grand public.
Dans les années 60, le laboratoire Servier (sous le nom de Science Union et compagnie) découvre la substance chimique appelée tianéptine, qui possède des propriétés antidépressives, analgésiques et sédatives. Elle sera utilisée plus tard comme antidépresseur, et prendra le nom commercial de Stablon, Coaxil ou Tatinol.
Ces antidépresseurs, utilisés par voie orale, sont commercialisés légalement depuis en France, occasionnant de nombreux effets secondaires (vertige/syncope, somnolence, hypotension, dépendance, constipation…).
En Russie et en Arménie, des junkies se sont procurés ces médicaments, dont la plaquette coûte aujourd’hui l’équivalent de 10 € à Moscou, et se le sont injecté par voie intraveineuse. Les vidéos horribles et insoutenables qui se multiplient actuellement sur Internet, où l’on voit des personnes avec les os à nu, décrivent les conséquences de cette injection par intraveineuse, et non pas d’une prétendue drogue Krokodil qu’on imputerait à la Russie, cible habituelle des médias occidentaux.
Si la Russie est aujourd’hui ravagée par la consommation de drogues, notamment dans l’est du pays, et si ces ravages menacent aujourd’hui l’Europe, on peut s’interroger sur le rôle de puissances économiques rivales, s’appuyant notamment sur les pays frontaliers pour y faire passer la drogue. L’exemple de l’opium et de l’héroïne, venus de Chine et d’Afghanistan avec la bénédiction américaine, ou encore celui des drogues synthétiques dites « sels de bain », devrait faire réfléchir à deux fois ceux qui pointent du doigt systématiquement la Russie dans le rôle qu’elle jouerait de plateforme tournante des nouvelles drogues.
Les laboratoires pharmaceutiques ne portent sans doute pas (on peut néanmoins s’interroger et enquêter, comme pour le Médiator) la responsabilité de la mauvaise utilisation et du détournement des drogues qu’ils fabriquent ; mais la production, la vente, l’achat et la consommation quotidienne de médicaments, d’antidépresseurs, de calmants, par des millions de Français (premiers consommateurs de drogue dans le monde) devenus dépendants ne peut-elle pas être qualifiée également de trafic de drogue, certes légal, mais trafic de drogue tout de même ? Avec des conséquences néfastes, mais moins « choquantes » pour l’œil et la vue immédiate que les effets du prétendu « krokodil » sur la santé des consommateurs ?
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