Pourquoi Clémence Royer, savante nantaise, a peu de chances d’entrer au Panthéon

25/09/2013 – 08H00 Rennes (Breizh-info.com) –Le président de la République veut faire entrer un grand homme de plus au Panthéon. Et ce grand homme, a-t-il fait savoir, sera de préférence une femme. Depuis le fameux « Entre ici, Jean Moulin » de Malraux, la panthéonisation fait figure de grand moment d’unité nationale. Jacques Chirac a réussi cet exercice de style avec Alexandre Dumas, Nicolas Sarkozy l’a manqué avec Albert Camus. Au tour de François Hollande.
Le choix des hôtes du Panthéon appartient par tradition au président de la République. Mais François Hollande vit avec son temps : une consultation en ligne a été ouverte sur le site du monument pour lui donner des idées. Elle s’est achevée le 22 septembre et va donner lieu à un rapport remis le 30 septembre.
Selon les rumeurs, une candidate tient la corde : Clémence Royer (1830-1902). Née à Nantes, elle est déjà honorée par des rues Clémence Royer à Nantes, Rennes, La Roche-sur-Yon et Paris, et une école Clémence Royer à Saint-Nazaire. Scientifique autodidacte, enthousiaste et éclectique, elle s’est intéressée à l’économie politique, à la préhistoire, etc. Son engagement féministe, anticlérical et franc-maçon semble à première vue avoir tout pour plaire à un président socialiste.
Mais Clémence Royer s’est elle-même savonné la planche à l’avance. Auteure de la première traduction française de L’Origine des espèces de Charles Darwin, elle l’a assortie d’une préface qui, paraît-il, a déplu au grand savant anglais. Elle y attaque la « charité imprudente et aveugle ». « On arrive ainsi à sacrifier ce qui est fort à ce qui est faible, les bons aux mauvais, les êtres bien doués d’esprit et de corps aux êtres vicieux et malingres », déplore-t-elle. « Que résulte-t-il de cette protection inintelligente accordée exclusivement aux faibles, aux infirmes, aux incurables, aux méchants eux-mêmes, enfin à tous les disgraciés de la nature ? C’est que les maux dont ils sont atteints tendent à se perpétuer indéfiniment, c’est que le mal augmente au lieu de diminuer et qu’il s’accroît de plus en plus aux dépens du bien. »
Ce plaidoyer eugéniste, l’un des premiers connus, fait vite place à des affirmations que la morale contemporaine réprouve. « Rien n’est plus évident que les inégalités des diverses races humaines », écrit-elle ainsi. Les « races supérieures », insiste-t-elle, sont « destinées à supplanter les races inférieures en progressant encore, et non à se mélanger et à se confondre avec elles au risque de s’absorber en elles par des croisements qui feraient baisser le niveau moyen de l’espèce ». Cette considération débouche assez logiquement sur un couplet en faveur de l’apartheid : « En un mot, les races humaines ne sont pas des espèces distinctes, mais ce sont des variétés bien tranchées et fort inégales ; et il faudrait y réfléchir à deux fois avant de proclamer l’égalité politique et civile chez un peuple composé d’une minorité d’Indo-Germains et d’une majorité de Mongols ou de Nègres. »
On peut croire un instant que Clémence Royer va se racheter quand elle concède que « ces différences toutes individuelles et toutes contingentes peuvent s’effacer, disparaître peu à peu », mais c’est pour assurer aussitôt que « cette théorie conclut en politique au régime de la liberté individuelle la plus illimitée, c’est-à-dire de la libre concurrence des forces et des facultés ». De l’eugénisme au libéralisme en passant par le racisme, Clémence Royer s’ébroue comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Un peu partout en Bretagne et en France, on a débaptisé les rues Alexis Carrel pour bien moins que cela, alors que l’œuvre scientifique du prix Nobel de médecine 1912 était autrement mieux assise que celle de Clémence Royer. On le regrette pour la ville de Nantes, mais il paraît très peu probable que le Panthéon accueille demain une personnalité qui risquerait d’en être exclue après-demain.

Crédit photo : Wikimedia
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