Normandie. La réunification semble acquise

30/08/2014 – 07H00 Rouen (Breizh-info.com) – Si le projet de loi relatif à la délimitation des régions fait beaucoup de mécontents, il ne fait pas l’unanimité contre lui. En effet, la Normandie peut afficher sa satisfaction : la réunification est en marche. Le fameux décret du 2 juin 1960, qui fixe le périmètre des régions actuelles, avait fabriqué deux Normandie : la haute et la basse. La première ayant Rouen pour chef-lieu, la seconde Caen.

Situation qui convenait parfaitement aux deux « boss » de l’époque : Michel d’Ornano dans la « basse » et Jean Lecanuet « dans la « haute ». Chacun possédait ainsi son fief. Comme ils appartenaient tous les deux à la même famille – l’UDF – ils ne pouvaient se permettre d’engager une opération d’annexion en direction de celui  du voisin. En effet qui dit réunification, dit un seul patron. Un Yalta régional s’était donc établi.

Après la disparition de Jean Lacanuet, la « haute » tombait dans l’escarcelle de Laurent Fabius et de ses amis socialistes, tandis que la « basse » demeurait ancrée à droite. Un clivage qui rendait service aux uns et aux autres. La question de la réunification  ne se posait plus puisque deux camps adverses étaient aux affaires. Le système Fabius dominait la haute avec son patron incontesté, des vassaux obéissants et une vie politique locale sous contrôle. Tandis que la droite continuait à cuire sa petite soupe en « basse ». Jusqu’aux dernières élections régionales  où cette dernière tombe à gauche avec un président, Laurent Beuvais (PS), acquis à la réunification

A son initiative, différentes opérations de rapprochement ont lieu avec la « haute ». Mais les employés de Fabius ne veulent entendre parler que de « coopération ». Evidemment, coup de tonnerre lorsque François Hollande lance la réforme territoriale, car qui dit diminuer le nombre des régions, dit fusionner les deux Normandie : cela va de soi.

Alors l’équipe Fabius tente de torpiller le projet. Tous les coups sont permis : par exemple, on propose de créer une nouvelle région additionnant « la basse », la « haute » et la Picardie. On va même plus loin en avançant une idée formidable : fusionner ces derniers avec la région Nord-Pas-de Calais.

A coup sûr, la préoccupation première de l’équipe Fabius est de maintenir au centre du dispositif son fief rouennais. Dans l’hypothèse d’une fusion avec la Picardie, Rouen s’imposait naturellement comme chef-lieu. Tandis qu’en cas de simple réunification se pose immédiatement le problème de la capitale : Rouen ou Caen ?

Finalement, Laurent Fabius a fini par se faire à l’idée de la réunification. Très certainement après avoir obtenu à l’Elysée les assurances souhaitées : le chef-lieu de la « Normandie » sera Rouen.
On voit mal François Hollande refuser cette faveur à son ministre des Affaires étrangères. Avantage d’un décret : pas de débat au Parlement.

Avec comme chef-lieu Rouen, la Normandie verra le préfet de région et les directions régionales des administrations d’Etat se maintenir dans cette ville, avec simplement une extension géographique de leurs compétences. Pendant ce temps, Caen perdra son préfet de région et toutes les structures étatiques liées au statut de capitale régionale; c’est à dire beaucoup d’emplois cadres.

Politiquement, l’affaire n’est pas très grave puisque, depuis les récentes élections municipales, la municipalité est de droite. l’Elysée et Matignon n’ont donc aucune raison de faire des cadeaux au nouveau maire, Joël Bureau (UMP).

On devine tout de suite les hurlements que cette situation nouvelle va provoquer chez les élites caennaises : une impression de déclassement, doublée d’une disparition d’emplois précieux en ces temps difficiles.
Aujourd’hui, capitale régionale, Caen se verra donc rabaisser au rang médiocre de simple chef-lieu de département. Si bien qu’un maire de Caen soucieux de défendre les intérêts de sa ville ne peut pas devenir un chaud partisan de la réunification. Sa cité a tout à y perdre. D’où des blocages à prévoir lorsque sonnera l’heure d’appliquer la nouvelle loi.

C’est ce qu’avait bien compris Alain Tourret (PRG) député de Vire et militant depuis toujours de la cause normande. D’où son souci de désamorcer les oppositions qui ne manqueront pas de se faire jour en « Basse » dès que les élus et les élites comprendront que le processus de réunification accouche d’un vainqueur (Rouen) et d’un vaincu (Caen).Pendant les débats à l’Assemblée nationale, M. Tourret a fait preuve de beaucoup de vaillance en présentant et défendant quinze amendements . L’un deux concerne tout particulièrement la Normandie : « le chef-lieu de la région ne regroupera pas obligatoirement le préfet de région et l’assemblée régionale qui pourront siéger dans des lieux différents« . Derrière cette phrase se cache la concurrence Caen-Rouen pour le leadership normand. Alors qu’en sera-t-il en définitive ?

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3 réponses à “Normandie. La réunification semble acquise”

  1. Pascal dit :

    Sur le fond la réunification des deux Normandie est plutôt une bonne nouvelle. Même s’il y aura un peu de casse, sur le long terme cette région historique en sortira plus forte. Rouen est indéniablement la capitale économique de la Normandie, par sa taille, son dynamisme et sa situation. Si au passage cette fusion permet à quelques fonctionnaires somnolents et repus de se remettre en cause alors les Normands y auront tout gagné.
    Espérons que la même chose arrivera entre la Bretagne et les pays de Loire.

  2. Ann dit :

    @pascal
    Entre Bretagne et Loire-Atlantique, non ? Lapsus ? J’ose espérer que vous ne souhaitez pas de fusion avec les PdL ou alors reconsidérez votre identité bretonne plus que bancale, voir mortifère.
    Quant à la capitale de la Normandie, je n’ai pas d’idées. Sauf celle de la fin de la logique de « celle qui a la plus grosse ». Et les propositions d’Alain Tourret présentées dans l’article sont extrêmement intéressantes. En espérant qu’elles soient mise en oeuvre en Normandie pour mieux servir d’exemple en Bretagne.
    L’Allemagne, la Suisse, le RU, l’Espagne, l’Italie, la Chine, les USA, l’Inde etc. n’ont pas UNE capitale qui concentre tous les pouvoirs. La France est une exception, pas forcément saine.
    Avant que la France choisisse Rennes comme capitale unique, la Bretagne n’avait pas UNE capitale.
    La Bretagne réunifiée doit penser à accorder des statuts relatifs, sans carcan mais avec des lignes directrices fortes favorisant les échanges. Nantes pour l’économie. Rennes pour l’université. Brest pour le maritime. Vannes pour l’administratif. Carhaix pour la culture. etc. (gros raccourcis évidemment, chaque spécialité rencontrant forcément les autres)
    Si la Bretagne n’est pas capable d’évoluer et reste bloquer dans la mentalité française centralisatrice, la sagesse serait Vannes comme capitale. Surtout pas Rennes ou Nantes.
    Enfin, il serait déjà bon d’être réunifié sans greffes extérieures. Ce n’est pas gagné pour que ces idées ne restent pas des plans sur la comète.

  3. Pascal dit :

    @Ann
    Non, non, ce n’est pas un lapsus. Je pense que la Bretagne est suffisamment forte culturellement pour absorber sa voisine, les Pays de Loire. Plutôt que de s’arquebouter sur une vision passéiste, il vaut mieux envisager son développement pour lui permettre d’affronter les difficiles décennies qui arrivent. De plus, cela fait sens :
    – Nantes est un poids lourd économique qui tire l’ensemble des Pays de Loire, leur population est donc déjà largement exposée à la culture Bretonne et à ses enjeux ;
    – A l’exception de la région nantaise, les pays de Loire n’ont pas à ce jour d’identité propre, à mi-chemin entre la Bretagne et une zone où Paris a fait le vide, cela les prédispose à adhérer rapidement à l’ensemble breton ;
    – Avant l’invasion romaine, les pays de Loire faisaient partie de la ligue Armoricaine. Même si depuis la francisation a eu lieu, le substrat armoricain est toujours là et reviendra rapidement d’actualité, pour preuve le gallo qui dépasse largement les limites de la Haute-Bretagne ;
    – Enfin, les questions que posera ce rapprochement permettront aux bretons de mieux se positionner dans le futur, notamment par rapport aux autres nations celtes qui sont clairement le port d’attache de l’ensemble breton ;

    Pour ce qui est de la répartition géographique des capitales bretonnes, sur le fond j’aurais tendance à vous rejoindre, mais c’est un vaste débat qui renvoie à des organisations politiques et territoriales ancestrales.

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