Finale Rennes – Guingamp : paroles de supporteurs

02/05/2014 – 08H00 Rennes (Breizh-info.com) –A quelques heures de la finale de la Coupe de France de football opposant le Stade Rennais FC à l’En Avant de Guingamp, les esprits s’échauffent et les passions s’excitent entre supporteurs rennais et guingampais, éternels rivaux historiques d’un derby breton qui devrait attirer une marée de Gwen Ha Du et de Kroazh Du (le drapeau historique de la Bretagne) au stade de France, samedi prochain.

Breizh-info.com a voulu donner la parole aux supporteurs acharnés, ceux qui se déplacent sans compter depuis des années pour soutenir leur équipe, dans les joies et dans les peines. Ces supporteurs historiques, ultras ou pas, sont sans doute le dernier vestige d’un football « à l’ancienne » qui a laissé place aujourd’hui à un sport désormais piloté par l’argent , les droits télévisés, le Qatar. Un football qui laisse de moins en moins de place à l’identité locale, à la fierté de représenter une ville, une région, à l’amour d’un maillot, aux joueurs humbles et fidèles à des couleurs …

Samuel, Christophe, Yannick, Yohann, Mathias, Antoine sont supporteurs de Rennes et de Guingamp. Ils ont tous en commun d’appartenir ou d’avoir appartenu à des groupes « ultras » d’un des deux clubs.

Breizh-info.com : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?  Depuis quand allez-vous au stade ?

Samuel : j’ai 31 ans, je suis supporter du Stade Rennais depuis 1992 . J’ai d’abord été voir les matchs en étant jeune, puis je suis devenu « ultra » avant de redevenir un simple supporteur parmi d’autres.
Yannick : j’ai 33 ans, je suis supporteur d’En Avant Guingamp depuis 1995. J’ai été membre du Kop Rouge pendant de longues années. Je vais toujours au stade mais je suis moins « agité » que par le passé…
Yohan : 
J’ai 34 ans. Je suis né à Rennes et j’y ai toujours vécu. Je supporte le Stade Rennais depuis l’âge de 10/12 ans. Comme mon père, mes oncles, mon grand-père, etc.
Mathias :  J’aurai
 bientôt 23 ans. Je suis né et je vis dans le Morbihan. Mon premier match au Stade Rennais était lors de la saison 1998 – 1999. La saison d’après j’ai eu mon premier abonnement, j’avais 8 ans.
Christophe : Je m’appelle Christophe, j’ai 27 ans, je suis boucher et ancien supporter actif de Guingamp. J’habite Rennes depuis maintenant 3 ans. J’avais l’habitude d’aller au stade du Roudourou avec mon père et mon frère, puis j’y suis allé par mes propres moyens vers l’age de 17/18 ans.
Antoine : J’ai 33 ans, je suis ingénieur dans le développement logiciel dans la finance, supporter de Guingamp depuis 1995, Finistérien d’origine mais Parisien depuis quelques années (difficile de trouver un boulot intéressant en Bretagne)

Breizh-info.com :  Que représente une finale Rennes-Guingamp pour vous ? y serez-vous cette année ?

Samuel : Une finale comme ça, c’est avant tout la fête de la Bretagne, un derby historique. Ca fait plaisir qu’on se retrouve à nouveau à ce stade de la compétition.
Yannick : Nous avons une nouvelle occasion de nous qualifier pour la Coupe d’Europe, et cela quelque soit l’adversaire. Après, un derby est toujours plus savoureux, mais malheureusement pour nous, Rennes a une grosse soif de revanche, ce qui va corser ce derby Breton. J’y serai bien entendu, j’y vais en train. Ce derby représente pour nous supporteurs de Guingamp, la fierté d’une région rurale d’aller défier la capitale bretonne.
Yohan : Après la finale de 2009 et le gros coup derrière la tête reçu par les supporters rennais, j’aurais préféré éviter ce remake. Même si une finale 100% bretonne a ce côté sympa des Bretons qui débarquent à Paris avec drapeaux et bombardes, je n’ose pas imaginer les conséquences pour ma santé mentale en cas de nouvelle défaite rennaise. Pourtant j’y serai quand même, comme à chaque finale rennaise ces dernières années, parce que je ne veux pas rater cet événement.
Mathias :  Cette finale représente dans un premier temps une revanche sur 2009 . Ca reste un derby contre les copains avec des déplacements européens à la clé soit avec les Krapules Gwengamp (ndlr : groupe d’indépendants guingampais) soit avec notre groupe (indépendants rennais). J’espère tout de même que le SRFC soulèvera cette belle coupe . Malheureusement je n’y serais pas, mon travail actuel me bloque tout mes weekend en ce moment.
Christophe : Je ne serais pas présent parce que les tarifs sont prohibitifs, parce que je ne me retrouve plus forcément dans l’équipe de Guingamp et parce que je serais aussi au travail.
Une finale Rennes-Guingamp c’est juste l’occasion de mettre une quatrième branlée aux Rennais (entre la dernière finale, les deux matchs de championnat de cette année plus la finale de samedi). On joue la suprématie  régionale.
Antoine :  Un match contre Rennes est toujours un match particulier. En plus, en finale de la coupe de France, avec une exposition médiatique dans tout le pays, c’est un rendez vous  à ne manquer sous aucun prétexte. Guingamp n’est jamais aussi fort que lorsqu’il est dans le rôle du petit ce qui sera encore le cas samedi. La victoire en 2009 a fait énormément de mal au Stade rennais, on aura un gros avantage psychologique, renforcé par les deux victoires en championnat cette saison.

Breizh-info.com : Quel type de supporteur êtes-vous ou avez-vous été ?

Samuel : Avant, j’étais ce qu’on appelle un « ultra ». Mais avec la répression à notre encontre (interdictions de stade, pas d’animations en tribune, …) et aussi en prenant de l’âge, je suis devenu un supporteur qui encourage simplement son équipe dans le respect de l’arbitre et des joueurs adverses.

Yannick : J’ai été carté au Kop Rouge pendant de nombreuses années car c’était « le Kop » de Guingamp. Mais j’ai toujours été porté plus sur un style de supporteurisme « à l’anglais » composé de chants, d’encouragements, mais aussi de bagarres avec les supporteurs adverses s’il le faut, qu’à la mode italienne (tifos, fumigènes, etc).
Boire un coup le jour de match avec les copains, chercher les supporteurs adverses et s’adonner à quelques gauloiseries, puis encourager son équipe 90 minutes, et cela à domicile comme à l’extérieur, voilà ce que j’aime toujours, même si les années et les responsabilités ne permettent plus d’être aussi turbulent qu’avant.

Yohan : Quand j’étais ado, j’allais au match de temps en temps avec mon père ou avec des copains. Vers 18 ans, je suis devenu petit à petit ce qu’on appelle un « ultra » et je consacrais beaucoup de temps et d’argent à ma passion. Pendant plusieurs années, j’ai fait entre 10 et 15 déplacements par an dans toute la France pour soutenir l’équipe. Puis j’ai pris du recul, mon boulot ne me permettait plus d’aller régulièrement au match et j’ai fondé une famille. Maintenant je suis toujours abonné mais je ne vais plus au stade pour boire des bières et faire le con entre potes. J’y vais tranquillement en famille comme le père de famille que je suis devenu. La passion est toujours là mais elle est différente.

Mathias :  J’ai été abonné à l’âge de 8 ans jusqu’à mes 19 ans dans 3 tribunes différentes. A mes 20 ans j’ai été interdit de stade 1 an pour des incidents lors d’un déplacement à Caen. Depuis je ne fais partie d’aucun groupe officiel ( rires ), donc pour certains matchs plus ou moins animés ça se passe entre copains.  C’est une autre façon de représenter sa ville, son club ou son groupe avec des comportements qui ne sont pas compris et qui ne plaisent pas et c’est tant mieux !

Christophe : J’ai fait partie de la branche ultra de Guingamp, en étant membre de feu la « New School Gwengamp ». Animations en tous genres, déplacements aux 4 coins de la France (et de l’Europe pour certains de mes amis) étaient ma manière de montrer ma fidélité au club. Maintenant je retourne de temps à autre au stade, quand j’ai le temps et l’envie. A vrai dire, après je ne sais plus combien d’années de Ligue 2 et donc de matchs ennuyeux et surtout de matchs le vendredi soir, on s’en lasse.

Antoine : 
Je suis ça de plus loin maintenant, j’aime le football, le jeu, mais je n’aime pas ce qu’il représente, même Guingamp que l’on présente comme le petit club sans le sous n’a pas tant de mérite que ça, soutenu par les bénéfices de la malbouffe vendue par Celtigel. L’épisode de la qualification de Kerbrat (qui aurait dû être logiquement suspendu) montre bien le manque d’éthique en très haut lieu où l’on se fout des règlements, à Guingamp pas moins qu’ailleurs.

Comme supporter je suis passé par les extrêmes. Investi dans le club en tant que fondateur du site internet, j’ai vécu pendant plusieurs années la vie du club de l’intérieur, avec des déplacements avec les joueurs, les interviews d’après match…

Mais j’ai aussi beaucoup vécu le côté supporter ultra , via la new school NSG’03 à partir des année 2003 en latérale ouest, faisant des heures de trajets en voiture, en train, en stop, pour assister à des matchs tous pourris dans des coins glauques. Avec le recul je trouve cela ridicule et je suis bien content de m’être éloigné de ce milieu, la vie est trop courte pour consacrer tout son temps à des guignols en short qui pour la très grande majorité n’en n’ont rien à battre du maillot qu’ils portent.

Breizh-info.com : Une anecdote, un souvenir qui vous a particulièrement marqué dans votre vie de supporteur ?

Samuel : Avant, j’étais ce qu’on appelle un « ultra ». Mais avec la répression à notre encontre (interdictions de stade, pas d’animations en tribune, …) et aussi en prenant de l’âge, je suis devenu un supporteur qui encourage simplement son équipe dans le respect de l’arbitre et des joueurs adverses.

Yannick : Je me rappellerai toujours de la victoire contre Marseille en quart de finale de la Coupe de la Ligue en 95, avec un but de Charles-Edouard Coridon. Un de mes plus beaux souvenirs de gamin. Plus récemment, quelques Guingamp-Brest ont été intéressants niveau football, mais ont donné également lieu à quelques échanges d’amabilité viriles avec les supporteurs brestois.

Yohan : Rennes a rarement réussi face à Guingamp. C’est pour ça qu’on peut dire que la victoire 6 à 1 à Roudourou en 2001 reste mythique. C’est le genre de victoire écrasante qu’on voit une fois tous les 20 ans alors dans un derby, c’est particulièrement fort. C’était carrément une démonstration de football. C’était énorme mais ça commence à dater. J’espère que le match de samedi effacera un peu ce souvenir. Même une victoire 1-0 avec un but du genou, je prends.

Mathias :  Quand tu vas en déplacement avec les potes en voiture, car, minibus ou train, des anecdotes tu en as des tonnes surtout quand tu as des potes un peu trop débiles. Mais je me rappelle plus particulièrement  :
–  D’un déplacement à Toulouse ou on a passé le weekend dans un camping naturiste, à une certaine heure les responsables du camping ont regretté d’avoir accepté des gens comme nous .
– Un déplacement à Auxerre où les patrons de bars se souviennent encore de notre passage.

Christophe : Mes meilleurs souvenirs sont ceux de l’ancien Roudourou, et puis des matchs en Argentine et au Chili. 

Antoine :  La victoire en demi-finale de la coupe de France en 2009 contre Toulouse. On savait qu’une victoire nous permettait de retrouver Rennes à Saint-Denis mais ça paraissait vraiment hors de portée pour L2. Toulouse était quasiment invincible à domicile cette année là.  A 30 minutes de la fin on est réduit à 10 et l’arbitrage avait été scandaleux, mais malgré tout on se qualifie dans les dernières minutes. On n’était pas nombreux dans le parcage mais l’ambiance était mémorable !

Un autre bon souvenir, une invitation à Londres par Didier Drogba pour me remercier d’un coup de pouce pour son site internet, il nous avait invité (moi et deux autres personnes) à un match de Chelsea, et avait passé deux bonnes heures à répondre à nos questions dans un palace londonien. Le joueur à la fois le plus talentueux et le plus simple que j’ai pu côtoyer.

Breizh-info.com : Peut on encore parler de « derby breton » pour ce Rennes-Guingamp, qui ne compte finalement quasiment plus de joueurs bretons dans les deux équipes ?

Yannick : Effectivement, on est bien loin de l’équipe de Guingamp qui évoluait dans les années 90, avec uniquement des joueurs du cru, des gars de la campagne, des héros du coin en quelque sorte. Le football business a tout emporté sur son passage. Donc difficile de parler de derby breton quand il n y a qu’un ou deux joueurs du cru dans chaque équipe. D’autant plus qu’ils sont rares ceux qui aujourd’hui voueront une fidélité à leur club durant toute leur carrière. Cela va avec une certaine évolution de la société, que je trouve à titre personnel dramatique car il n y a plus de repères .

Yohan : Il me semble qu’il n’y a qu’un Breton dans chaque équipe (Kerbrat et Danzé). Forcément, pour un Parisien, un Suédois ou un Camerounais, la notion de derby breton n’a pas la même importance que pour un Finistérien. Mais je pense qu’ils seront vite imprégnés par l’atmosphère et l’ambiance qui régneront au Stade de France.

Mathias : Oui, pour moi ça reste un derby même si la politique du club me dégoûte un peu, pas assez de Bretons à mon goût dans l’effectif.
Je préférerais avoir une équipe plus identitaire telle que l’athletic Bilbao qui est composée de joueurs originaires du Pays Basque.

ChristopheLa question est pertinente. Les joueurs des deux équipes ne sont quasiment plus Bretons. Mais ici on reste encore attaché à notre club. Je crois que l’image de Guingamp ne changera jamais. 
De part la taille de la ville, de part l’histoire du club, je ne crois pas que Guingamp puisse vraiment tomber dans le foot business à outrance. Je ne crois pas que notre club puisse être racheté un jour ou l’autre par un milliardaire Russe, Quatari, Saoudien ou Indien.
De par la mondialisation du football, oui les joueurs ne sont plus des joueurs locaux. Et ça se sent dans l’amour du maillot et l’attachement au club.
Cette finale reste bretonne dans le sens où les animations extérieures avant le match, où dans Paris, feront que l’on montrera le côté folklorique breton, c’est tout !

Antoine :  A part Kerbrat qui est un peu l’emblème de l’équipe, effectivement il n’y a pas de Bretons, mais le club s’est adapté au football d’aujourd’hui et l’important pour moi est ce que les joueurs donnent sur le terrain. Je m’identifiais plus à Florent Malouda et Didier Drogba qu’à Pierre-Yves André.

Breizh-info.com : Un pronostic pour la finale de samedi soir ?

Samuel : Jamais de pronostic, ça porte malheur.
Yannick : 6-1 pour Guingamp .
Yohan : Je ne fais jamais de pronostic, mais allez Rennes !
Mathias : Une revanche est attendu, donc pour le score 3 – 1 pour le SRFC .
Christophe : La pression est sur les Rennais, puisqu’ils ont perdu lors des dernières confrontations. Je pense qu’ils vont être au taquet, face à une équipe de Guingamp confiante. Ca promet un bon match. Allez un bon 3/1 pour Guingamp.
Antoine : Je pense que ça sera plus difficile qu’en 2009. On n’a pas des joueurs talentueux comme l’étaient Eduardo ou Oruma. Et Rennes s’est bien renforcé au mercato d’hiver. Mais on a un excellent entraîneur en la personne de Jocelyn Gourvennec. Je nous vois gagner difficilement sur un but tout pourri de Yatabaré dans les prolongations, ou aux tirs au but. 

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2014, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.

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Une réponse à “Finale Rennes – Guingamp : paroles de supporteurs”

  1. Bertrand dit :

    Tout est dit, je cite :

    « Avec le recul je trouve cela ridicule et je suis bien content de m’être éloigné de ce milieu, la vie est trop courte pour consacrer tout son temps à des guignols en short qui pour la très grande majorité n’en n’ont rien à battre du maillot qu’ils portent. »

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