24/02/2014 ‑ 08H30 Carhaix (Breizh-info.com) –Nous avions rapporté la semaine dernière la sortie du livre « choc » d’Alan Weisman « Compte à rebours: Jusqu’où pourrons-nous être trop nombreux sur Terre? » aux éditions Flammarion, traitant notamment de l’inquiétante progression exponentielle de la démographie mondiale.
Nous avions également publié une interview tirée d’un autre site Internet. Alan Weisman a accepté par la suite de répondre aux questions de Breizh-info.com, que nous vous retranscrivons ci-dessous.
Interview effectuée en anglais puis retraduite par notre rédaction.
Breizh-info.com : Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre travail et vos recherches ?
Alan Weisman : Mon travail de journaliste m’a amené à découvrir tous les continents de la planète. Mes articles sont parus d’abord dans le New-York Times, puis dans The Atlantic Monthly, Harper’s, The Los Angeles Times Magazine, Vanity Fair, Discover, et enfin à la National Public Radio.
Mon dernier ouvrage, intitulé Countdown: Our Last, Best Hope for a Future on Earth? (Compte à rebours: Jusqu’où pourrons-nous être trop nombreux sur Terre?) est paru en anglais en 2013, publié par Little, Brown and Company. J’ai également écrit « The World Without Us » (en français, Homo disparitus, Flammarion) un best-seller traduit en 34 langues, qui a remporté le prix « Best Nonfiction Book of 2007 » du Time Magazine and Entertainment Weekly et qui fût le numéro un des téléchargements d’Audiobook Itunes. Il a aussi remporté le « the Wenjin Book Prize of the National Library of China ».
Mes livres précédents, non traduits en français, s’intitulaient : « An Echo In My Blood; Gaviotas: A Village to Reinvent the World et « La Frontera: The United States Border With Mexico ».
Breizh-info.com : parlez-nous de votre dernier ouvrage, qui traite notamment de la démographie mondiale
– Y a t-il des traces dans l’histoire, dans les religions, les textes sacrés mais aussi dans nos différentes traditions et cultures, d’écrits qui soulèvent l’idée de limiter notre procréation sur terre en période de crise ?
– Si le nombre d’êtres humains atteint les 11 milliards comme nous le projetons pour la fin du 21ème siècle, ou même si nous restons avec les 7.2 milliards que nous avons déjà atteint, y-a-t-il un moyen de penser une économie qui n’exige pas une perpétuelle croissance pour prospérer, ce qui dans ce cas nous permettrait rapidement de redescendre de notre nombre actuel d’êtres humains à un niveau viable et le garder ainsi?
Plusieurs experts que j’ai interviewés m’ont accordé que ces questions étaient les plus importantes questions pour l’avenir de l’humanité – mais ont avoué qu’il était impossible d’y répondre. Ce à quoi j’ai rétorqué : si ces questions sont les plus importantes pour le monde, alors nous avons intérêt à y répondre. Néanmoins, je suis sorti de ce livre beaucoup plus confiant que lorsque je l’ai commencé, parce que j’ai trouvé des réponses et des solutions que nous pouvons mettre en place pour changer et qui peuvent faire une grosse différence pour l’humanité : ces moyens trouvent des précédents dans presque toutes les régions du monde.
Et nous sommes si nombreux que 40% de la terre hors zones glaciaires est entièrement réservée afin de nourrir une seule espèce : la nôtre.
Alors que nous ne savons pas encore comment produire de l’énergie sans carbone pour satisfaire nos besoins – et comme notre croissance démographique amène toutes les autres espèces à un déclin plus rapide encore que depuis la fin des dinosaures et des 2/3 des autres espèces il y a 65 millions d’années, ce que nous devons faire en urgence pour réduire notre impact sur la planète est de réduire notre population dans les 2 ou 3 prochaines générations.
Breizh-info.com : Êtes-vous inquiets à propos de la démographie africaine et asiatique ? Comment pensez-vous qu’il faille réguler cela ?
Alan Weisman : Je suis inquiet de la surpopulation de nombreux pays. Riches ou pauvres, car notre impact écologique est égal à notre nombre multiplié par notre demande en énergies et en ressources. Cela veut dire que mon propre pays, les USA, est le plus surpeuplé de la terre.
A contrario, l’Afrique ou le continent sud-asiatique n’utilisent pas autant de ressources que les USA ou les Européens. Mais, il ont néanmoins besoin d’énergie pour cuisiner, et de terres pour faire pousser des cultures.
Ils sont devenu si nombreux qu’ils ne peuvent plus vivre ensemble dans leurs propres régions – particulièrement lorsque le climat réduit les récoltes et assèche les réserves en eau.
Quand ils migrent dans les villes, ils commencent à utiliser l’électricité: dans les villes les plus pauvres du monde, j’ai vu que des millions de pauvres gens arrivent tout de même à avoir des téléphones portables qu’ils vont brancher toute la nuit, comme vous et moi.
Quand il migrent vers des pays plus développés, ils ajoutent une pression supplémentaire sur la population déjà présente. En aidant au développement de programmes familiaux et sociaux dans ces pays, on peut résoudre rapidement ce problème environnemental et social.
Dans mon livre “Countdown”, je montre comment l’accès au planning familial peut persuader les personnes même dans les cultures les plus traditionnelles, que c’est pour leur propre bien qu’il faut des familles moins nombreuses, parce que qu’il est plus facile de nourrir, habiller et éduquer moins d’enfants.
C’est probablement la dépense la plus économique que nous pouvons faire pour aider le monde : la contraception est une connaissance et une technologie que le monde possède déjà.
Pour moins d’argent que le gouvernement américain a dépensé ces dernières années en Afghanistan et Iraq – environ $8.1 milliards USD– nous pourrions chaque année fournir des contraceptifs à chaque être humain sur cette terre.
En Thaïlande, un responsable économique a réalisé que son pays ne se développerait jamais économiquement si chaque ville et village regorgeant d’enfants en bas âge ne commençait pas immédiatement un programme de planning familial qui diminuerait le taux de reproduction de la Thaïlande et le ferait passer sous le taux de remplacement ( c’est-à-dire, 2 parents produisant une moyenne de 2 enfants ce qui n’augmente pas la population). Aujourd’hui, après application de ce programme, la Thaïlande a une des meilleures économies de toute l’Asie du sud.
Breizh-info.com : Comment expliquez-vous que les politiciens n’abordent ni ne traitent ce gros problème pour la survie de l’espèce humaine ?
Alan Weisman : La nature humaine est de toujours faire plus de copies d’elle-même, comme c’est également le cas pour les autres organismes vivants ; instinctivement l’idée d’être forcé à ralentir ce qui se fait naturellement est repoussant. De plus, les êtres humains n’avaient pas eu à réfléchir sur leur démographie, à poser des limites avant aujourd’hui.
D’autre part, des économistes influents ont sonné l’alerte en disant que si la croissance de la population mondiale était stoppée, il y aurait trop de jeunes travailleurs payant des pensions pour trop de personnes âgées retraitées.
Or, si les économistes pro-croissance prônent une augmentation incontrôlée de la population, c’est avant tout parce que, quand les populations pauvres se battent entre elles pour de bas salaires, la main d’oeuvre devient mathématiquement encore moins chère et les salaires misérables.
Ces économistes négligent le fait qu’en plus des enfants, les personnes âgées, dont le niveau et l’espérance de vie augmente, restent elles aussi économiquement actives …
Enfin, personne n’est prêt à accepter qu’un gouvernement nous dise quoi faire dans nos lits et dans nos vies privées, comme ce fût le cas en Chine, où la politique de réduction de la natalité a sans doute été excessive, avec des avortements forcés voire des cas de stérilisations ou d’infanticides .
Pour des raisons émotionnelles mais aussi religieuses, les pouvoirs politiques ont peur de prendre des mesures impopulaires prônant la gestion de la population .
Néanmoins, dans mon livre “Countdown”, je montre des exemple de planifications familiales réussies, qui ont permis de stabiliser voire de réduire la démographie dans une large variété de pays développés – et cela que ces nations soient catholiques, musulmanes ou bouddhistes.
Dans chaque cas, comme en Thaïlande, les économistes et les gouvernants ont réalisé que leur pays serait en grave danger avec une population à la croissance incontrôlée, car au final sans travail et sans ressources alimentaires suffisantes .
Breizh-info.com : Comment voyez-vous le monde en 2100 ?
Néanmoins, si la contraception venait à être moins développée qu’aujourd’hui – ce qui est possible – , il y aurait 0.5 enfants en plus par femme et nous ne serons plus 11 mais 16 milliards à la fin de ce siècle. Je doute sincèrement que nous parviendrons à atteindre déjà le chiffre de 11 milliards.
Chaque espèce dans l’ histoire de la biologie et de la science qui a poussé et exploité au maximum ses ressources a connu un crash de population, fatal de temps à autre.
Cela signifie que d’une façon ou d’une autre, notre population mondiale va décroître. Si on ne le fait pas en douceur, la nature nous le fera faire brutalement. Mais si nous fournissons la contraception pour tous – et dans mon livre, je parle également des nouveaux moyens de contraception pour les hommes qui seront prochainement disponibles – avec seulement 0,5 enfant par femme en moins, nous reviendrions à 6 milliards d’habitants, ce qui devrait permettre un meilleur avenir pour notre espèce.
J’en donnerai d’autres qui se dérouleront prochainement au Japon, en Chine, en Corée, en Norvège et en Amérique Latine. Je serais heureux d’accepter une invitation en France.
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2014, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.
8 réponses à “« Je suis inquiet de la surpopulation de nombreux pays », Alan Weisman [interview]”
Si tous ses maux perdurent et s’amplifient partout dans la monde, si le chômage et la pauvreté augmentent, si les inégalités sociales se creusent, si les revendications et les violences se multiplient, si le climat et l’environnement se dégradent chaque jour davantage, si les pires famines que nous ayons jamais connues s’annoncent, la raison première en est l’augmentation considérable de la population mondiale. Chaque jour, 250 000 êtres humains supplémentaires déferlent sur la planète pour aggraver son pillage et ses conséquences.
Alors, Que les experts en tous genres, que les responsables politiques et religieux de tous niveaux, que toutes les bonnes volontés, cessent de « mettre la charrue avant les bœufs » en se focalisant sur leur vision particulière et limitée de la question tournant trop souvent à la marotte et ne faisant que contribuer à masquer un peu plus l’essentiel, pour consacrer prioritairement leur énergie et leurs moyens à la question démographique. Réduisons notre nombre, le reste suivra.
C’est la seule planche de salut de notre civilisation et peut-être même de l’espèce. Et elle est réelle, quelques générations pouvant suffire à revenir à une population tolérable par la planète et l’espèce elle-même. Certes, ce ne sera que jouer les prolongations, tout ayant une fin, d’autres problèmes surgiront, tel notre vieillissement, mais ils seront passagers et eux aussi maîtrisables.
Pour approfondir cette réaction :
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Rien à ajouter, vous avez tout compris.
Mais il s’agit d »un sujet oublié, non pensé, omis, par les politiques et les médias comme si l »augmentation de notre nombre était sans conséquences.
Cordialement
Qu’on se rassure le sujet trouvera son issue par lui même :
l’augmentation permanente d’une population inapte à se maintenir dans son environnement conduit invariablement à sa destruction.
La multiplication des maladies génétiques liées notamment à la pollution mais surtout aux progrès de la médecine nous conduit à une stérilité grandissante.
Avec un peu de chance, dans un siècle la population de détruit rapidement, sous l’effet conjugué de la malbouffe, de la chimie et de ses merveilleuses molécules, de l’absence d’hygiène, de l’affaiblissement grandissant des systèmes immunitaires, de la disparition programmée du pétrole qui est la source première des engrais chimiques.
Le réchauffement à coté, c’est pour rire.
La situation de la surpopulation planétaire est tellement affirmée que nous sommes à présent plus de la moitié à vivre en ville, environnement particulièrement malsain et dangereux du point de vue sanitaire, surtout si on manque d’eau.
A noter que le pic de l’eau potable, c’est dans 20 ans.
Cumulée à l’absence de lumière l’exposition à des produits de toute sorte dont les effets s’accumulent dans le temps, et une misère grandissante d’année en année, générant qui plus est des comportements dangereux.
En fait, c’est juste une question de temps pour que le retour de bâton soit irréversible.
Dès aujourd’hui, à 7,2 milliards, nous sommes en surnombre en ce qui concerne notre empreinte écologique. En effet, nous utilisons 2,7 hectares par personne pour notre consommation et l’absorption de nos déchets, et ce alors que la biocapacité, c’est-à-dire ce dont nous disposons, n’est que de 1,8 hectares par personne.
Comment peut-on consommer plus que ce qui est produit par la planète ? Eh bien, tout simplement, en prélevant au-delà de ce qui est renouvelable, en puisant de façon inconsidérée dans le capital de la Terre : par exemple nous vidons les océans de leurs poissons ou encore nous asséchons les nappes phréatiques…
On peut alors dire la chose suivante : en ressources renouvelables, la planète ne dispose que des 2/3 de nos besoins. Dès lors, si l’on applique ce ratio à notre effectif de 7,2 milliards, on peut en conclure qu’avec le style de vie moyen que nous avons actuellement, la population maximale que peut accueillir la planète de façon relativement durable est égale aux 2/3 de ces 7,2 milliards, c’est-à-dire 4,8 milliards d’habitants seulement !
Et si l’on rapproche enfin ces 4,8 milliards des 9,6 prévus en 2050, on peut dire qu’à cette date, si nous n’avons toujours pas changé notre comportement boulimique, nous serons alors exactement 2 fois trop nombreux !
http://www.demographie-responsable.org/
Cette analyse est la seule à retenir parmi toutes celles qui ont la faveur des écologistes. Il y va de la clarté du message à faire passer dans l’opinion et de la compréhension d’une situation dans toute son urgence et sa priorité absolue.
Sans nier l’intérêt et la valeur d’exemple de la multitude d’actions individuelles et de détail visant le changement de nos comportements, il faut être conscient de la mesure dans laquelle elles brouillent ce message essentiel. D’autant plus qu’en dépit de leurs initiatives, les défenseurs de l’environnement et des ressources de la planète sont encore nombreux, sinon majoritaires, à être réticents à l’idée d’une régulation de la population.
Notre choix se réduit à deux options :
– Prolifération, pénuries, désordres, anarchie, barbarie, loi du plus fort sans freins, indignité pour le plus grand nombre.
ou
– Rapide régulation démographique par dénatalité, rééquilibrage du rapport entre besoins et ressources, meilleur équilibre des pouvoirs, progrès raisonné pour tous.
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Enfin, je suis heureux que ce Monsieur affirme que la surpopulation est un problème majeur et très inquiétant, contrairement à tous nos intellectuels et démographes en tous genres qui jusque à présent ont rejeté cette évidence ( pour se fondre dans la pensée du politiquement correct.
Merci Monsieur Alan Weisman.
« Or, si les économistes pro-croissance prônent une augmentation incontrôlée de la population, c’est avant tout parce que, quand les populations pauvres se battent entre elles pour de bas salaires, la main d’oeuvre devient mathématiquement encore moins chère et les salaires misérables. »
C’est exactement ce que je disais 3 ans + tôt ! Quand la main-d’oeuvre est surabondante, en clair quand la demande est très supérieure à l’offre, les patrons peuvent se permettre de payer les ouvriers au lance-pierre. On peut rapprocher les propos de ces économistes tordus à ceux du banquier Mathieu Pigasse, qui prône une immigration sans limite pour, dit-il, augmenter la consommation, et donc la croissance. Enfin, ça, c’est l’explication officielle, car il me semble, que depuis quelques jours on parle de baisser le SMIC…
Votre analyse traduit surtout la paranoïa suscitée par la plupart des idéologies populistes qui, dans leur vision égalitariste de la société oublient quelques évidences.
– Plus nous sommes nombreux, plus les échanges le sont, en nombre et en volume.
– Plus ces échanges sont importants, plus ils nécessitent de moyens de tous ordres, humains comme matériels, donc financiers.
– Plus les moyens engagés (ou investis) sont importants, plus les profits sont grands et les richesses, individuelles comme collective, sont abondantes. La question de leur partage étant d’un autre ordre que socio économique et même démographique.
– Les multinationales ne sont que la conséquences d’un nombre dont il devient impossible de satisfaire les besoins autrement.
Si les plus pauvres en ont assez de servir de pâture au Molloch – ce qui se conçoit –, qu’attendent ceux qui les défendent pour les encourager et les aider à faire moins d’enfants ? Qu’ils condamnent à connaître leur propre sort.
Plutôt que de nous battre contre des moulins à vent, soyons moins nombreux, le reste suivra et tout s’en trouvera mieux.
Pour approfondir cette réaction :
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