Pour RomEurope il faut plus de moyens pour les Roms et arrêter les expulsions des bidonvilles

02/10/2015 – 07H00 Nantes (Breizh-info.com) – Dans deux rapports sortis le 23 septembre 2015, l’association de défense des communautés tziganes RomEurope exige que les pouvoirs arrêtent d’expulser les bidonvilles Roms, arguant notamment que cela coûte cher et ne conduit qu’à déplacer le problème. L’association demande que les contribuables et les pouvoirs locaux fassent plus d’efforts – notamment financiers – pour résorber les bidonvilles et prendre en charge les Roms.

En 2013, selon la Ligue des droits de l’homme et l’Europea Roma Rights Centre (ERRC) recensaient 19.000 personnes expulsées par les pouvoirs publics français de leurs lieux de vie. En 2014, elles étaient encore 13.483 expulsées en 138 expulsions – à raison de trois par semaine ; pour 67 d’entre elles, aucune solution de relogement n’était prévue. Les deux tiers des personnes expulsées (9400) étaient en Ile-de-France, et 17% en Rhône-Alpes, les deux régions où les Roms sont les plus nombreux ; suivaient logiquement la Provence (7%), le Nord (5%) et l’Aquitaine (2%). A côté des expulsions réalisées, il y a aussi « une stratégie d’auto-expulsion » adoptée par les Roms là où les forces de l’ordre les marquent de près : par exemple à Lille ou dans de nombreuses communes d’Ile- de-France, selon le rapport cosigné par RomEurope et le Collectif National des Droits de l’Homme.

Selon RomEurope, les expulsions ont coûté « entre 30 et 40 millions d’euros » à la collectivité, dix fois l’enveloppe réservée par l’État à la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal) pour mettre en œuvre des projets de sortie de bidonville. Comme le souligne RomEurope, la DIHAL dispose d’une enveloppe de 4 millions d’euros pour financer des projets de sortie de bidonville. L’association indique que « beaucoup de ces projets sont des projets  » pour les Roms » uniquement et non pas pour les habitants de tous les bidonvilles (Calais, Paris, Cayenne) ». Quant au plan national de résorption des bidonvilles, lancé par Cécile Duflot en février 2014 et piloté par l’Adoma, c’est un échec, selon le rapport: « le bilan est très médiocre et les méthodes peu satisfaisantes (…) les actions n’ont été menées que sur quelques bidonvilles dans un nombre très limité de territoires (…) seulement 63 ménages ont été accompagnés et relogés, dont 16 en Ile de France », soit une très petite partie des 7000 personnes vivant en bidonvilles et grands squats selon la DIHAL dans la seule région de la capitale.

Les expulsions systématiques ne permettent pas de régler le problème des bidonvilles, puisque comme le montrent notamment les expulsions de Roms dans la banlieue nantaise, les Roms expulsés se réinstallent rapidement dans une autre friche du même quartier ou de l’agglomération. Pour l’association, ces expulsions qui apparaissent comme le « standard d’action principal de l’Etat » réduisent à néant « les efforts importants parfois déployés par ce même Etat, certaines collectivités territoriales ou des opérateurs financés par les pouvoirs publics pour soutenir l’inclusion de ces populations ». RomEurope fustige « une mise au ban systémique » des Roms, qui ne les empêche pas pourtant de voir leur population croître en France, notamment parce qu’ils font beaucoup plus d’enfants que la moyenne des Français et commencent à en faire dès l’adolescence.

En 2014, selon RomEurope, il y avait 20.000 personnes en France vivant dans plus de 450 bidonvilles. Une cinquantaine de bidonvilles situés pour l’essentiel dans le Nord-Pas-de-Calais et en région parisienne sont habités par plusieurs milliers de personnes issues de pays d’Afrique et du Moyen-Orient qui attendent la première occasion pour passer en Angleterre. Les 400 autres le sont par des Roms, qui étaient estimés à 17.000 en 2013. La moitié d’entre eux – près de 9000 – sont mineurs ; la plus grande partie échappe à la scolarisation et se retrouve soit astreinte aux tâches ménagères, soit embrigadée dans des réseaux délinquants. L’expulsion des Roms ne résout pas le problème, selon l’association, qui indique qu’en 2014 1742 roumains et 109 bulgares ont été éloignés. La plupart ne cesse de faire la navette entre les zones de peuplement rom en Europe de l’Est et l’ouest de l’UE. En tout, il y a entre 12 et 16 millions de Roms en Europe ; les données restent assez imprécises car un certain nombre d’entre eux ne sont pas recensés ou ne se déclarent pas comme Rom, notamment dans les pays où ce groupe ethnique est très mal vu, comme en Bulgarie.

Un dixième des Roms de France habitent en Loire-Atlantique et la quasi-totalité d’entre eux sont concentrés sur une dizaine de communes de l’agglomération nantaise : Nantes elle-même, Rezé, Bouguenais, Saint-Herblain, Couëron, Vigneux-de-Bretagne, La Chapelle-sur-Erdre, Carquefou, Mauves et Saint-Sébastien-sur-Loire.

L’association RomEurope formule certaines recommandations, parmi lesquelles l’évaluation des projets de villages d’insertion, l’interdiction des projets de relogement « hors du droit commun, et qui ne seraient pas acceptables pour d’autres populations que les Roms », leur relogement « dans l’habitat diffus », c’est à dire dans des appartements dispersés dans l’habitat urbain par exemple, l’implication des Roms eux-mêmes et des associations qui les défendent dans les politiques d’intégration.

Ce qui n’est pas le cas à Nantes : dans le rapport d’observatoire cosigné par le collectif national des droits de l’Homme (CNDH) et RomEurope, la capitale bretonne est pointée pour son « absence de dialogue » avec les Roms, tout comme Saint-Etienne. Suite à la circulaire du 26 août 2012, la préfecture a mis en place une « plateforme DDCS ». Le rapport note que « les associations et collectifs n’ont pas été conviées à participer à cette plateforme. Les associations ressentent un manque de reconnaissance de leur action voire parfois du mépris face au silence des institutions. » RomEurope fustige aussi « l’absence de réponse à l’interpellation faite aux 24 communes de l’agglomération » à l’occasion de la révision du PLU métropolitain. Nantes est aussi mise en cause pour « son dialogue bilatéral et exclusif entre les acteurs publics et un acteur associatif unique (…) qui devient un filtre quasi-obligatoire à toute action concernant la résorption des bidonvilles ». RomEurope remarque un certain manque de transparence : ces associations « disposent d’espace de concertation particulier au sein du comité de suivi et pilotage propres aux projets qu’elles mènent et transmettent des informations aux acteurs publics parfois de manière opaque », ce qui peut poser un problème de démocratie réelle. Entre les lignes, on peut déceler une dénonciation toute en finesse des diagnostics menés par l’association Saint-Benoît Labre, problématique qui fut abordée il y a quelque temps par feu le Canard Social. Les autres villes bretonnes ne sont pas citées dans ce comparatif des pratiques – elles accueillent d’ailleurs nettement moins de Roms que la Loire-Atlantique.

RomEurope réclame toujours plus d’argent public et de droits pour les Roms

RomEurope réclame aussi l’arrêt immédiat des expulsions, en priorité pour les enfants scolarisés, et la « sécurisation des lieux de vie : un accès à l’eau, à l’électricité, aux sanitaires, au ramassage des ordures ménagères, la mise en place d’extincteurs et la sécurisation liée aux potentiels dangers de circulation ». Le tout, évidemment, aux frais du contribuable puisque les habitants des bidonvilles sont dans « une situation de forte précarité économique et sociale », contrairement à l’ensemble des Français, dont plus de 8 millions vivent pourtant dans la pauvreté.

Toujours pour les contribuables – locaux cette fois – RomEurope demande que les communes fassent droit à toutes les demandes de domiciliation. La jurisprudence – en l’occurrence le Conseil constitutionnel par décision du 11 octobre 2013 – affirme le droit à l’élection de domicile pour tous les citoyens européens sans domicile fixe, et ce quelle que soit leur situation administrative. Mais à Nantes, l’accès à la domiciliation ne semble pas si simple. Lorsque le Gasprom – une association de soutien aux immigrés basée rue Fouré à Nantes – a annoncé au printemps 2014 mettre fin à son activité de domiciliation, plusieurs associations pro-immigration ont fait pression sur les communes de l’agglomération pour que leurs CCAS prennent le relais. Si « aujourd’hui la domiciliation est assurée par la plupart des CCAS avec plus ou moins de facilités », Couëron, où de nombreux Roms sont installés tout autour de la zone industrielle des Hauts de Couëron – nombre d’entreprises  se plaignent beaucoup de ce voisinage subi – a refusé la domiciliation jusqu’au bout. Jusqu’à ce que le tribunal administratif de Nantes la condamne le 30 mars 2015 et exige qu’elle domicilie les familles installées dans les bidonvilles de la commune. Si « Nantes domicilie seulement pour l’accès à l’AME », l’aide médicale de l’Etat destinée aux clandestins, Saint-Herblain et Rezé « assurent une domiciliation complète », ce qui participe à maintenir les pompes aspirantes qui attirent les Roms vers la cité bretonne, les « bons plans » disponibles en France étant largement partagés via leurs réseaux familiaux tant en France que dans leurs pays d’origine, dans et hors de l’UE.

Le département de Loire-Atlantique est aussi pointé du doigt par le rapport. Il gère notamment l’aide sociale à l’enfance (ASE) qui permet de déclencher l’intervention d’un travailleur social, d’un service d’action éducative ou encore et surtout d’aides financières qui peuvent être versées comme secours exceptionnel ou en allocations mensuelles. Ces aides, qui peuvent bénéficier aux familles en situation irrégulières ou étrangères, sont attribuées selon « l’état de besoin », selon des critères que chaque département est libre de définir. Le rapport note qu’en Loire-Atlantique, « l’aide financière au titre de l’ASE est intitulée  »aide financière Enfance et Famille ». Elle est versée par le conseil général, via une association après instruction d’un dossier, uniquement aux familles avec enfant et parfois à la naissance d’un enfant, à la discrétion du Conseil Général ». Pourtant, ce n’est pas le manque d’information du contribuable qui inquiète RomEurope, mais le fait que « pour les familles ayant fait la demande après 2009, l’aide n’est généralement attribuée qu’une seule fois (et non plus mensuellement). Il est possible pour les familles de renouveler la demande, mais la réponse est très aléatoire. La plupart du temps la deuxième demande fait l’objet d’un refus. »

Les communes sont encore coupables, selon RomEurope, de refuser de fournir gratuitement le confort moderne aux Roms. A Nantes, mais aussi dans le Val de Marne – dernier département communiste de France pourtant – et en Seine-et-Marne, l’accès à l’eau et à l’électricité n’est pas garanti pour les Roms. Qui n’hésitent pas à se servir. « L’accès à l’eau se fait à partir des bouches à incendie qui sont parfois à plusieurs centaines de mètres du lieux de vie », note RomEurope, et « aucun accès à l’électricité n’est permis, ce qui mène à des branchements sauvages sur la plupart des sites, avec coupures fréquentes », sauf « à Orvault [où] le maire a accepté un branchement forain de neuf prises suite à l’incendie d’un transformateur » et « a amené un robinet près du site ». En revanche des bennes à ordure sont systématiquement installées par la métropole qui assure aussi le ramassage des déchets, ce qui n’empêche pas les camps de ressembler à des décharges, surtout quand ils se situent près des déchetteries – ainsi des deux camps près de la déchetterie de Tougas expulsés fin avril 2015. Les Roms faisaient d’incessants va-et-vient entre la déchetterie et leur bidonville pour « récupérer » ferrailles et électroménager, puis les revendre pour leur propre compte.

Pourtant le rapport salue le fait qu’une cinquantaine de familles bénéficie de la dizaine de terrains conventionnés situés sur les communes de Nantes, Sainte-Luce, Couëron, Saint-Jean de Boiseau, Vigneux de Bretagne, le Cellier, Treillères, Le Pellerin et la Chapelle sur Erdre. « Les conditions de vie sont meilleures que sur un bidonville puisque les personnes ont accès à l’eau, à des sanitaires, à l’électricité. » Si « l’accompagnement social diffère selon les projets », les associations de soutien aux populations rom constatent cependant que « la stabilité du lieu permet de faciliter la scolarisation, l’accès à l’emploi etc. » Elles déplorent cependant le nombre limité des personnes incluses dans ces projets d’insertion et la « sélection assez restrictive ». Un travailleur social proche de ce dossier remarque que « la sélection relève du minimum syndical : on retient les familles qui veulent vraiment s’intégrer, éduquer leurs enfants et sortir de leur mode de vie marginal ».

Autre problème constaté par RomEurope à Nantes : la saturation des permanences d’accès aux soins de santé (PASS) qui permettent d’assurer la prise en charge médicale et de donner des médicaments aux personnes qui n’ont pas de couverture maladie. Du coup, « bon nombre d’habitants des bidonvilles refusent de s’y rendre », ce qui n’améliore pas la situation sanitaire désastreuse que RomEurope met en partie sur le dos des pouvoirs publics, mais qui est largement due à une absence quasi-totale d »éducation à la santé et à l’empilement de déchets dans les camps, qu’il y ait ou non des bennes. Pour pallier la saturation des dispositifs de prise en charge sanitaire, la solution de RomEurope est toujours la même : des moyens financiers en plus.  Le fait qu »il y ait d’autres pauvres – locaux ceux-là, et de plus en plus nombreux – en France, que les SDF français soient quasiment abandonnés par les pouvoirs publics, ne semble par contre guère préoccuper cette association.

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