Cinéma. A propos de « la morsure des Dieux », de Cheyenne-Marie Carron [Interview]

25/02/2017 – 08h15 Nantes (Breizh-Info.com) –  Après L’Apôtre, Patries, ou encore La Chute des hommes, Cheyenne-Marie Carron, cinéaste indépendante, est de retour avec « La Morsure des Dieux » . Le film sortira en salle le 26 avril 2017. En voici le résumé :

Sébastien, grand amoureux de sa terre du Pays basque, est seul à s’occuper de la ferme familiale alors que les soucis s’accumulent : crédits insurmontables, baisse de la production, désorganisation du milieu paysan… Sébastien se bat et cherche sa voie, qui prend un tour spirituel au contact de sa nouvelle voisine, Juliette, aussi catholique que lui est païen. Mais leur amour est remis en question alors que Sébastien, rattrapé par les difficultés, est sur le point de tout perdre…

A nouveau, Cheyenne Marie Carron réalise un film esthétiquement beau. Les images, tournées au Pays basque, sont superbes, et les acteurs (notamment François Pourron et Fleur Geffrier) sont remarquables. L’intérêt du film réside dans le combat que mène Sébastien pour continuer à vivre et travailler dans son pays, sur la terre de ses ancêtres. Le film montre d’ailleurs les ravages provoqués par la mondialisation et par la perte progressive de nos identités. La scène où il rencontre une autre jeune femme de son village, qui n’a qu’une obsession consistant à fuir la campagne pour travailler et s’enfermer dans une métropole, est d’ailleurs révélatrice d’un mal qui ronge notre société (l’attrait pour les villes, l’abandon progressif des campagnes et de la ruralité).

Toutefois et contrairement aux excellents films précédents, il y a quelque chose qui sonne « faux » ou alors assez peu réaliste dans ce film : toute l’histoire, centrale, autour de la relation entre Sébastien le païen qui s’éprend de Juliette la catholique, n’apparait en effet pas très réaliste. Non pas dans le fait qu’un païen épouse une catholique, bien entendu.

Mais plutôt parce qu’on sent beaucoup trop le message politique et spirituel derrière les dialogues. Et que l’on a clairement l’impression que ces personnages, aussi profonds soient-ils, n’existent plus (qu’on le regrette ou pas) ou alors ne représentent plus grand monde aujourd’hui. C’est le principal reproche que je ferai à ce film ; il semblerait que les dialogues soient un peu surfaits. De nombreuses références au paganisme ne parleront aujourd’hui  – encore une fois ça peut être regrettable mais ça n’est pas le sujet  – peut être à pas grand monde.

Cheyenne-Marie Carron l’a toutefois, comme ses films précédents, réalisé avec ses tripes (et son argent), envers et contre tous, il faut le souligner. Pas question pour elle en effet de se voir attribuer les aides ou les subventions généreusement distribuées à de trop nombreux mauvais réalisateurs aujourd’hui en France.

Son cinéma mérite donc d’être soutenu et diffusé. Ses films sont d’ailleurs tous disponibles ici

Nous l’avons interrogé sur son film et sur son travail :

Breizh-info.com : Pourquoi avoir choisi le Pays basque pour tourner la Morsure des Dieux et pour en faire le cadre de votre film ?

Cheyenne-Marie Carron : Le Paganisme au Pays-Basque est encore un peu vivant. Les gens vont parfois encore dans des grottes pour y être soignés, des hommes-brebis (les Joaldunak), réveillent la nature dans certaines régions… La culture et les Traditions irriguent encore de nos jours les Terres Basques.
Il me plaisait que mon paysan ait conscience de cette richesse et veuille la préserver.
Et puis, j’ai choisi le Pays-Basque, parce que c’est un si beau pays, que peu importe où vous posez votre caméra, l’image sera incroyable de beauté.

Breizh-info.com : La Morsure des Dieux, c’est avant tout un hommage « à la terre de nos pères », n’est-ce pas ?

Cheyenne-Marie Carron : Oui, le personnage principal du film est en fait une Terre, sur laquelle vit un Peuple; La Morsure des Dieux c’est un hommage rendu aux gens de ses peuples qui s’accrochent à leurs terres, et à leur mémoire.

Mais pour le Pays-Basque il s’agirait plutôt de la « Terre de nos mères ». La mythologie Basque tourne autour de la « Grande-Mère » ; Mari la déesse Mère, Atarrabi, Mikelats, Amalur…
Le Matriarcat ancestral Basque est plus ancien que nos sociétés greco-romano-Chrétien et il y a des restes de cet héritage.

Breizh-info.com :  Votre héros principal est un paien, tandis que l’héroine est une chrétienne. N’en faites vous pas un peu trop avec la religion et la spiritualité dans la film ? Certains dialogues apparaissent en effet comme assez irréels aujourd’hui …

Cheyenne-Marie Carron : Il est naturel que cela vous paraisse irréel, puisque cette mémoire a été volée.  Aujourd’hui, il vous semblerait tout à fait normal de voir un musulman, un juif, un chrétien parler de théologie avec un prêtre.. mais un jeune Païen, paysan, ça étonne… ça sonne faux, irréel.
Un paysan cultivé, attaché à sa terre, ses traditions, ses croyances, et qui dialogue avec un prêtre, ça n’est plus très répandu.  Et bien mon cinéma, n’est pas très répandu lui non plus.. il parle de sujets assez rarement abordés; si ce film peut permettre aux Païens d’être un peu représentés alors c’est bien.

Breizh-info.com :  Pourquoi avez vous souhaité absolument réconcilier deux spiritualités qui semblent tout de même assez irréconciliables ? Quitte à provoquer là encore des dialogues qu’on imagine mal entre un jeune agriculteur et son amie, sur l’origine des religions. N’est-ce pas un peu préfabriqué ? N’y a-t-il pas eu une trop grande volonté de passer un message politique avant le message cinématographique ?

Cheyenne-Marie Carron : Cette réconciliation Païens et Chrétiens semblent en troubler plus d’un.. pour moi, la mémoire spirituelle des peuples Européens se joue là, et ça n’est pas un film qui devrait être fait sur ce sujet, mais des centaines de films ! Concernant, le message cinématographique, j’ai le sentiment d’y avoir œuvré au travers de  chacun des plans du film.. mais ça je laisse le spectateur en juger.

Breizh-info.com : Quelles ont été les premières critiques concernant le film ? 

Cheyenne Marie Carron : Pour certains j’ai fait mon meilleur film et pour d’autres le moins bon ; ce qui compte pour moi c’est d’avoir fait le film que je souhaitais faire.

Breizh-info.com : Avec un peu de recul, parlez nous de la diffusion et du l’accueil de Patries et de la Chute des Hommes ?

Cheyenne-Marie Carron : L’accueil de ces films a été bon, mais la diffusion assez faible. Malgré tout, ce sont des films qui existent et qui font leur vie. Patries a été primé dans un festival Africain, et La Chute des Hommes a été sélectionné au festival d’histoire de Rueil-Malmaison. Je reçois régulièrement des messages de gens qui les découvrent grâce aux DVD.

Breizh-info.com : Sur quelle thématique portera votre prochain film ?

Cheyenne-Marie Carron : Mon prochain film « A jamais fidèle » racontera une histoire d’amitié et de transmission entre un ancien combattant et un jeune Français.
D’ailleurs, une souscription a été ouverte sur le site de l’ASAF, afin de m’aider à trouver mon petit budget (http://www.asafrance.fr/dons-film.html)

Breizh-info.com :  Comment parvenez vous à tourner aussi vite ?

Cheyenne-Marie Carron : Ma vie se résume en un mot : le travail. Alors forcément ça produit du résultat.

Propos recueillis par Yann Vallerie

Crédit Photos : DR
[cc] Breizh-info.com, 2017 Dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine

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