08/12/2015 – 06H00 Carhaix (Breizh-info.com) – Christian Troadec ne sera pas conseiller régional dimanche prochain, c’est une certitude. Sa popularité n’aura pas dépassé le cap de son Centre-Bretagne et plus relativement du Finistère tandis que sa liste « Oui la Bretagne » a récolté 6,71 % des voix lors du premier tour des élections régionales, ce dimanche.
Si l’on analyse le vote régionaliste en faveur du baron du Poher – dont l’objet principal de campagne fût de se présenter comme un « antidote » contre le Front national, devenu une quasi obsession pour M. Troadec – on s’aperçoit que : la liste « Oui la Bretagne « dépasse les 10% dans le Finistère (10,63%), mais retombe à 6,64% dans les Côtes d’Armor, 5,71% dans le Morbihan et seulement 3,68% en Ille-et-Vilaine. Au total, ce sont 80 727 voix qui se sont tournées vers cette liste régionaliste estampillée « de gauche » et dirigée, en sous-main, par l’UDB, l’Union démocratique bretonne.
Pour cette formation politique, qui avait exclut des conseillers régionaux ayant soutenu Jean-Yves Le Drian, c’est une véritable gifle. En effet, la majorité des voix récoltées par Christian Troadec le sont en Finistère (trois fois plus qu’en Ille-et-Vilaine) fief du maire de Carhaix, pas de l’UDB beaucoup plus implantée en Ille et Vilaine et dans les Côtes d’Armor.
C’est un véritable camouflet pour Christian Troadec qui a pris l’initiative il y a quelques mois d’empêcher toute « union régionaliste », notamment avec la droite bretonne et le Parti breton, sur ordre de l’UDB qui voulait constituer une liste résolument à gauche.
Il sera intéressant de voir le report de voix de la liste, les sondages ayant laissé apparaitre qu’une partie des électeurs de Christian Troadec se tournerait aussi vers Marc Le Fur, signe d’un électorat éclectique et pas du tout « à gauche toute ». Consignes données pour le second tour : aucune. M. Troadec est en tout cas persuadé que ses électeurs « ne votent pas FN », façon pour lui de se rassurer.
Plusieurs autres remarques sur la liste régionaliste :
- En 2010, la liste emmenée par Christian Troadec réalisait 4,29% et 47 000 voix sans l’appui de l’UDB, ni d’anciens proches du Parti socialiste . Des notables comme Daniel Cueff, maire de Langouet et tête de liste en Ille-et-Vilaine, précédemment élu conseiller régional sur la liste Le Drian, en 2010. Cette année, l’élu doit déchanter, lui qui déclare que son ennemi « c’est le Front national » alors que la liste de Gilles Pennelle est arrivée en tête du premier tour dans sa commune, loin devant celle de M. Troadec.
- En 2014, la liste « Nous te ferons Europe » dirigée par Christian Troadec avait obtenu 7,19% des voix, soit 75 888 suffrages tandis que l’UDB avait obtenu 2,02% des voix, soit 21 377 suffrages. Un score cumulé plus élevé que les résultats de dimanche, ce qui indique un fléchissement, l’élection régionale étant normalement plus porteuse pour des listes régionalistes.
- De Scrignac (29) au nord à Gourin (56) au sud, de Brasparts (29 à l’ouest à Rostrenen (22) à l’est (une trentaine de communes), Christian Troadec possède une large zone d’influence ; il termine en tête dans la plupart des communes, avec des pointes à 44% à Carhaix, 37% à Langonnet, 40% à Plourac »h, 38% à Carnoët. D’où son souhait de fonder une sorte de métropole de la ruralité autour de Carhaix, afin d’assoir toujours plus son influence et devenir député.
- Au delà de ce secteur, les scores s’effondrent plus on quitte le cercle d’influence. Hormis 30% à Plonévez-Porzay et 40% à Locmélar, rien d’autre à se mettre sous la dent en terme de victoire dans une commune bretonne. A Brest, il retombe à 6%. 9% à Quimper, 3,99% à Saint-Brieuc, 4,52% à Lorient, 2,87% à Vannes, 5,36% à Pontivy, 2,98% à Rennes ou encore 3,38% à Saint-Malo. Dans la ruralité bretonne éloignée de Carhaix, que ce soit sur les terres de Marc le Fur (Périphérie de Loudéac), de Gilles Pennelle (secteur de Fougères) ou de Jean-Yves le Drian (Morbihan), là encore, rien de significatif.
- Malgré une campagne particulièrement active sur le terrain, les candidats multipliant les déplacements, les tractages, les animations sur Internet, force est de constater que le résultat est loin d’être à la hauteur des efforts consentis. Le militantisme à l’ancienne , sur le terrain de marchés en marchés, ne fonctionne plus, ne séduit plus.
Deux autres listes, indépendantistes celles-là, étaient également présentes pour ces élections. Il s’agit de celle de Bertrand Deléon, « Notre chance l’indépendance » qui arrive en dernière position avec 0,54% des votants, 6521 voix. Et de celle de Gaël Roblin, « Bretagnes en lutte » (alliée avec une partie du NPA) 0,62%, 7465 voix. Dans les deux cas, tous les panneaux électoraux n’ont pas été collés, augmentant le déficit de publicité pour ces listes.
Contrairement à ce que l’on aurait pu penser, il n y a donc plus « d’effet Bonnets rouges » en Bretagne, quelques années après la colère régionaliste. Il ne reste que l’influence ultra localisée de son principal leader, Christian Troadec, additionné à un vote régionaliste/autonomiste/indépendantiste traditionnellement dans les scores de ce dimanche. La faute pour les uns, à un manque cruel de moyens financiers et d’une campagne de communication particulièrement confuse, et pour la plus grosse liste en terme de poids électoral, à un message porté en décalage avec l’électorat visé.
Si la fibre régionaliste est en effet bel et bien ancré en une majorité de Bretons, il est peu certain que le logiciel politique principal, datant du XXème siècle, utilisé par Christian Troadec durant sa campagne ( le combat contre le Front national, que même le très rose Jean-Yves Le Drian n’a pas perdu son temps à utiliser) ait été à même de séduire un électorat rural préoccupé avant tout par la défense de son identité, de son territoire, de sa sécurité, et d’une politique économique viable.
Photo : DR
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4 réponses à “Carhaix / Régionales 2015. Le pari raté de Christian Troadec et des autonomistes”
Excellent article !
Il va avoir le temps de s’occuper des migrants maintenant, de les prendre à sa charge.
Concernant la liste de Deléon, il faut souligner qu’elle a eu un nombre incroyable de bâtons dans les roues.
– Les professions de foi ont été tout simplement perdues par la préfecture et donc non envoyées par la poste (1 palette entière, plus d’1 électeur sur 2 n’a rien reçu)
– Les bulletins n’ont pas été distribués dans nombre de bureaux de vote, et aujourd’hui les différentes préfectures disposent encore de bulletins de votes non distribués qui vont être détruits.
– Les médias ont accordé 20 fois + de temps à la liste Breizhistance, qu’à la liste de Deléon, le CSA a été saisis et a trouvé cela normal.
Je rappelle également que cette liste a été montée en 2-3 mois, Troadec ayant habilement fait poireauter le PB. Au moment de la prise de décision, il fallait trouver 30.000 à 50.000 euros et près de 90 noms (dont moitié de femmes) sans le Parti Breton au départ.
Signalons tout de même qu’en Morbihan par exemple, la liste Deléon a collé sur 100% des panneaux d’affichage îles comprises (plus de 1200 panneaux), alors que Breizhistance a collé sur moins d’une dizaine de communes, et dans certaines communes où Le Drian lui même n’avait pas collé (Centre Bretagne).
Toujours en Morbihan, les militants ont distribué plusieurs dizaines de milliers de tracts sur les marchés ou lors des collages.
J’ignore ce qu’il en est des autres départements, mais en Morbihan la liste a fait 0,66%, ce faible score est avant tout lié à l’absence de prof de foi et de bulletin (erreur de la préfecture).
Bertrand Deléon a donc mené une campagne en un temps limité, avec des moyens limités, et en luttant contre la préfecture, et les médias.
Alors oui le score est décevant, c’est le même que le SNP en 1969, mais au moins la liste a eu le mérite d’exister.
Ceux qui critiquent sont les bienvenus pour aider à collecter de l’argent, à rédiger un programme, à faire un site web, à coller des affiches, à faire des prof de foi, à réaliser des visuels de campagne…
Quand on regarde une carte de la France qui figure les résultats du premier tour des Régionales, on distingue tout de même un bel espace autour de Carhaix qui vote majoritairement pour les régionalistes. Il n’y a qu’en Corse qu’on voit pareille chose : http://www.publicsenat.fr/lcp/politique/regionales-tous-resultats-1er-tour-notre-carte-interactive-1156153
C’est un début, et vue la taille de la Bretagne, ça va prendre plus de temps qu’en Corse mais c’est plutôt positif.