A la différence de bien des villes espagnoles, Madrid ne peut se targuer de racines profondes, celtibères, romaines ou wisigothes. Juste arabes lorsque l’Omeyyade Muhammad Ier y construit une forteresse, l’Alcazar. Les Chrétiens la reprennent à la fin du XI° siècle. Ensuite, la croissance est modeste. Comme capitale, elle naît en 1561, par la volonté de Philippe II. On peut s’étonner d’un tel choix. Tolède et surtout Valladolid avaient d’autres atouts. Mais la construction de l’Escurial, tout proche, se fait en concomitance.
Les Habsbourgs puis les Bourbons multiplient les sites palatiaux ; les églises et les couvents se comptent par dizaines. La Plaza Mayor articule la vie madrilène. Les corridas et le théâtre concentrent les sociabilités les plus ferventes. Mais Madrid n’a rien d’une métropole. Autour de 100 000 habitants en 1800, 280 000 en 1857, 530 000 en 1900… L’explosion démographique et la dilatation territoriale se feront sous la dictature franquiste, 3 200 000 habitants en 1975, chiffre qui stagne aujourd’hui.
Ecrire l’histoire d’une capitale peut paraître facile surtout si on la confie à un historien majeur. Mais l’exercice est périlleux et quelques ratages récents sont là pour le montrer. Mais comme J. Delumeau pour Rome, Bennassar domine le sujet. Il l’exalte à force d’empathie mais sans jamais faillir aux règles de l’érudition. La spécificité madrilène est mise en lumière : une ville de cour capable de fureurs populaires (1808, 1936), une ville de fêtes et de spectacles où l’art taurin et le football occupent la première place, un goût autant qu’un art de vivre plus. Une identité si prégnante qu’elle résiste à la crise actuelle et le « Madrid » de Bennassar est là pour l’expliquer.
Jean Heurtin
Histoire de Madrid, par Bartolomé Bennassar, Perrin, 2013, 24,90€
Photo :Sanva1959/Wikimedia (cc)